L'ombre du passé

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Eryne
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Inscription : sam. 24 avr. 2010, 01:00

L'ombre du passé

Note des auteurs :

L'histoire a été commencée sur un coup de tête. Alounka a eu l'idée, folle, ambitieuse, d'écrire un compte-rendu sur un ensemble d'essplo. L'idée a plut à Eryne, qui s'est empressée d'écrire... Voilà le résultat d'un croisement d'idées entre un boulimique d'essplo et une boulimique de lecture. Une histoire un peu folle, très ambitieuse, et qui continue d'évoluer, et d'intégrer des nouveaux personnages petit à petit. Déjà, Marti, dont le personnage est en train de prendre de l'ampleur. C'est amusant de voir comment l'histoire et les personnages s'échappent du clavier pour prendre vie...

Enfin, espérons que cela vous plaira !

Sommaire :

Prologue

Introduction

Chapitre 1

Chapitre 2

Eryne
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Inscription : sam. 24 avr. 2010, 01:00

Re: L'ombre du passé

Prologue
C’était un début de journée, je m’en souviens très bien. J’errai, un peu solitaire, dans les rues de Stormwind, quand je l’ai rencontrée. J’avoue, je n’avais pas vraiment idée de ce que je cherchais, lorsque je me suis posée en face d’elle. J’en avais entendu parler, vaguement, à plusieurs reprises. Il est des noms qu’on n’évoque qu’à mi-voix, dans un chuintement feutré. D’autres que l’on claironne… à condition d’être au bon endroit au bon moment.

J’étais désoeuvrée. Une de mes amies, druide, m’avait encore récemment chuchoté son nom à l’oreille. Elle avait décidé de partir à l’aventure, et m’encourageait à faire de même. Elle saurait me guider… vers ce que je ne savais encore nommer.

J’aimerai dire que c’est lorsque je l’ai enfin aperçue que j’ai eu cet espèce de déclic que l’on ressent quand les choses changent radicalement. Une simple silhouette… pour qu’une vie bascule.
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Bon, cela fait un peu mélodramatique, dit ainsi. La seule chose que j’ai ressentie, c’est une intense curiosité. Et je m’ennuyais ferme, à Stormwind.

Alors, je l’ai suivie…
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Et c’est la curiosité, sans doute, qui m’a poussée à lui parler. Peut-être avait-elle senti le poids de mon regard. Peut-être attendait-elle quelqu’un d’autre… en tout état de cause, j’aurais sans doute pu faire demi-tour, et retourner à des occupations qui commençaient à me lasser. Mais, une fois de plus, la curiosité fut plus forte… Je m’installais sur le siège en face, aussi silencieuse qu’elle-même.
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Je craquais cependant très vite. Et comme je n’avais pas la moindre idée de comment présenter les choses, mes premières paroles furent d’une finesse inégalable :

« Hum, euh… Désolée… mais… euh… hum… je… »

Un magnifique cafouillage qui me valu, non pas un regard fatigué, mais plutôt étonné. Je présume que ma verve avait dû l’impressionner… ou plutôt, l’absence de verve. Je restais silencieuse quelques minutes. Cela valait toujours mieux qu’un babillage sans queue ni tête.

Et puis, finalement… la glace fut rompue. Oh, ce n’était pas de mon fait, mais, en quelques mots, elle finit par me mettre à l’aise. Elle était peut-être intéressée par l’idée d’avoir pu trouver quelqu’un avec qui voyager. Et moi…

J’avais trouvé mon guide.

Eryne
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Re: L'ombre du passé

Introduction
L’air empestait. Une vague odeur de charogne flottait, impalpable, et pourtant omniprésente. Une odeur quasiment insupportable, qui stagnait dans ses poumons, au point de lui laisser un goût amer en bouche. L’odeur était tellement présente, qu’il lui semblait même qu’elle pénétrait par les moindres pores de sa peau.
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Finalement, elle ouvrit péniblement les yeux. Une lumière diffuse, blafarde, emplissait la pièce. Les ombres se dressaient, menaçantes, oppressantes, lourdes d’une menace sourde qu’elle n’arrivait pas à identifier. La bouche pâteuse, elle se redressa. Le lieu lui était parfaitement inconnu, et elle sentait monter en elle une angoisse qu’elle ne savait définir. La seule certitude qu’elle éprouvait était qu’elle devait partir d’ici. Et vite. Elle finit par se relever et se mettre debout, peu à son aise. Une lourdeur inattendue plombait ses membres, et elle du s’asseoir quelques secondes afin de s’en remettre un peu. L’avait-on droguée, avant de l’amener ici ? Elle se leva de nouveau, et fit quelques pas hésitants.

La salle était grande, et la pierre froide sur laquelle elle gisait quelques instants plus tôt était un autel, à n’en pas douter. Heureusement, on lui avait épargné les objets rituels qui encombraient d’habitude de tels édifices. Sans doute celui-ci était-il voué à l’abandon depuis quelques temps.

Elle fit quelques pas dans la salle, le bruit de ses bottes résonnant sur les pavés froids. Une seule sortie possible, un couloir… elle s’y engouffra, les jambes lourdes. Sa tête commença à pulser en ce qui s’avèrerait certainement une migraine carabinée. Quoi qu’elle ait ingurgité, ils y avaient mis la dose…

Soudain, quelques pas plus loin, son oreille perçu des sons étranges. Le bruit de ses talons frappant sur le sol trouvait un écho déformé dans cet endroit. Elle s’arrêta. Pas les pas. Elle se retourna, anxieuse, avant de voir ce qui arrivait dans sa direction. Elle se figea, pétrifiée, avant qu’une terreur pure ne s’empare d’elle, irrationnelle, balayant immédiatement les moindres bribes de sa raison. Elle tourna les talons et s’enfuit, terrifiée. Elle n’était pas seule. Et ce qui la suivait n’avait pas vraiment l’air amical…
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Le couloir débouchait sur une pièce encore plus sombre, envahie par le sable et la boue. A l’odeur de charogne se mêlait un vague relent d’eau croupie. Quelque part, plus loin, il y avait un point d’eau qui n’avait pas servi depuis longtemps. Son cerveau enregistra l’information sans qu’elle y fasse attention. La salle, immense, semblait ne déboucher que sur des tombeaux particuliers. Elle se retourna. Il était toujours là. Prenant son courage à deux mains, elle attrapa son arme et lui fit face. Peut-être n’était-il pas hostile ?
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Le hurlement de rage qui empli la salle – mais comment pouvait-il crier sans un seul morceau de chair sur les os ? – la transit d’effroi. Elle n’était pas pleutre, d’habitude, mais toutes les fibres de son être lui criaient, lui hurlaient de s’enfuir à toutes jambes. Jetant aux orties ce qui lui restait de raison, elle s’enfuit de nouveau, courant à perdre haleine. Plus rapide que lui, elle arrivait petit à petit à le distancer. Et ce malgré ses jambes qui s’alourdissaient à chaque pas.
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La crypte débouchait sur une salle emplie de tombeaux. A cette vue, elle stoppa net. Il n’y avait pas que des tombeaux, dans cette pièce. Il était là. Il l’attendait. Elle se tourna brièvement, guettant anxieusement d’autres bruits de pas. Non, il n’y avait personne derrière elle. Et il s’agissait donc bien du même squelette. Il poussa un cri guttural, qui la glaça de nouveau. Tournant les talons, elle prit la fuite.

Elle tournait encore et encore dans ce qui lui semblait être un labyrinthe sans fin. Des salles succédaient aux salles, des tombeaux à des sépultures, des couloirs à des salles immenses. A peine réussissait-elle à le semer un peu qu’il la retrouvait, dans les endroits les plus invraisemblables qui soient.
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Elle commençait sérieusement à fatiguer. Son rythme cardiaque s’accélérait de seconde en seconde, et son souffle rauque lui brûlait la gorge et les poumons à chacune de ses inspirations. Mais, également, une autre odeur venait irriter ses bronches déjà éprouvées par la course-poursuite. Une odeur acre, aux relents suspects. L’eau ! Il y avait un point d’eau, non loin. Peut-être que lui saurait arrêter l’être qui la poursuivait.

L’odeur devenait de plus en plus insupportable alors qu’elle se rapprochait de plus en plus du bassin, que les algues n’avaient que partiellement envahi. Son estomac se révulsa à la vue de ce qui flottait au milieu des chaînes qui parsemaient le bassin. Elle s’arrêta quelques secondes, guettant le bruits de pas qui la suivait depuis ce qui lui semblait être des heures. Il était toujours là, infatigable.

Sans réfléchir, elle plongea dans l’eau glacée. Des relents âcres lui chatouillèrent le nez, alors qu’elle s’enfonçait de plus en plus dans le liquide verdâtre. Il y avait tellement d’algues dans cette eau qu’elle en était quasiment opaque. Il lui était de plus en plus difficile d’avancer, et l’absence de lumière n’arrangeait pas les choses. Pourtant, en voyant quelque chose flotter à côté d’elle, elle se surprit à souhaiter qu’elle fut, au contraire, d’un noir d’encre. Des cadavres, accrochés par les pieds, flottaient mollement dans l’eau, des rictus de souffrance figés sur les visages. L’eau, glaciale, semblait vouloir percer la faible barrière de sa peau, et s’infiltrer jusque dans ses os. Son corps, transi de froid, ressentait cependant toujours la présence obsédante de son poursuivant. Un faible chuintement lui parvenait, au milieu des légers cliquetis qu’elle croyait entendre. Elle risqua un bref coup d’œil derrière son épaule. Il était toujours là. Et, alors qu’elle commençait à faiblir, elle le sentait se rapprocher de plus en plus d’elle.
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L’air commença à lui manquer. Il lui fallait sortir, à tout prix ! Une faible lueur lui parvint, quelques mètres plus loin. Au prix d’un immense effort, elle réussit à se hisser sur la bordure, haletante. Elle tentait d’aspirer de longues goulées d’air, tout en se relevant. Il devait bien y avoir une sortie quelque part ! Elle retomba sur les genoux, comme si la traversée à la nage avait usé ses dernières forces. Dans un ultime sursaut de volonté, elle essaya de se relever, une nouvelle fois. Ses jambes lui semblaient maintenant être du plomb.

Et, dans son dos, un bruit de pas résonnait, suivit du son caractéristique de l’eau dégouttant sur le sol. Il était là. Si près. Trop près…

Dans un dernier sursaut, elle se tourna vers lui. Il poussa un hurlement, de triomphe cette fois, alors qu’il abattait vers elle un point vengeur. Elle n’eut pas le temps de détourner la tête. L’os, lancé à pleine vitesse en direction de sa nuque, frappa brutalement, au point qu’elle sentit l’impact résonner dans tout son corps. Elle se vit sombrer, presque au ralenti, pendant que le squelette entamait une danse triomphante.
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La draenei était allongée, à même le sol, plongée dans un sommeil agité. La première pensée qui saisit l’elfe ne fut pas vraiment de la réveiller en douceur. Certaines moqueries (oh, rien de bien méchant, heureusement) flottaient encore à la surface de sa mémoire. Et elle voyait là une occasion idéale d’inverser les rôles. Il lui aurait simplement suffit de la pousser légèrement… Pour que l’eau froide la réveille instantanément. Alors que la farce la tentait de plus en plus, la victime potentielle commença à remuer plus encore, tentant de se débattre contre quelque chose d’invisible. Un diablotin, tapis au fond de l’esprit de l’elfe lui chuchotait qu’elle n’aurait sans doute pas d’autre occasion. Mais… il aurait sans doute été inhumain de sa part (quoique, à la réflexion, elle n’était pas humaine) de la réveiller ainsi.
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Soupirant intérieurement, et regrettant une telle occasion ratée, l’elfe commença à secouer l’endormie, qui se débattait. Elle continua de la secouer, de plus en plus fort, jusqu’à ce que, finalement, la draenei ouvrit les yeux pour sauter d’un bond sur ses pieds.
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Elle avait l’air secoué, et tremblait encore. Et ce n’était certainement pas de froid, vu la température ambiante. C’est un regard troublé qu’elle tourna vers l’elfe, encore accroupie, alors qu’elle tentait visiblement de retrouver ses esprits. Ce cauchemar avait eu l’air tellement… réel. Depuis la température glaciale des tombeaux jusqu’à la créature qui l’avait poursuivie tout au long des couloirs, sans oublier l’humidité pénétrante et l’odeur omniprésente de charogne.

Dans ce petit coin de terre bucolique, cependant, son rêve devenait beaucoup moins présent. Elle ouvrait des yeux hagards, mais ses prunelles retrouvèrent vite leur calme. Voire même un soupçon d’amusement, en voyant qui venait de la réveiller.

« J’aurais espéré au moins une autre vision au réveil. », dit-elle malicieusement. Son sourire, cependant démentait ses paroles.

L’elfe prit un air pincé, artificiel. Mais elle savait très bien qu’elle plaisantait. Elle répondit, sur le même ton :

« La prochaine fois, je laisserai à un ogre le soin de te réveiller. »

Alounka grimaça.

« Pour l’haleine, tu n’en es pourtant pas très loin. »

Pour toute réponse, l’elfe se redressa d’un bond, lui tira la langue comme une petite fille malicieuse, et la poussa de toutes ses forces en direction du bassin. Hélas, l’occasion était passée, et la draenei solidement plantée sur ses pattes. Elle finit par répliquer, un peu tard, cependant.

« Change de vêtements. Tu es tellement imprégnée de leur odeur que tu ne sens plus le reste ! »

Elle finit par s’éloigner, peu satisfaite de sa répartie. Elle alla se poster un peu plus loin, boudeuse. Alounka sourit, cependant un peu gênée d’avoir répondu aussi sèchement. Les souvenirs qu’elle avait de son rêve commençaient à se déliter, et l’odeur qu’elle avait sentie n’avait rien à voir avec celle de ses vêtements… Ni celle de l’haleine d’Eryne.

Elle finit par retrouver l’elfe, assise le regard dans le vague à contempler une cité humaine. Alounka se demandait parfois pourquoi cette elfe était venue l’aborder, quelques semaines plus tôt. Elle avait accueilli sa présence avec surprise, mais aussi une certaine satisfaction, et la conversation avait été enrichissante pour les deux parties. Depuis, elles se croisaient de temps en temps, au fil de leurs voyages.

Elles avaient décidé de se retrouver ici, au calme, afin de faire le point sur leurs dernières découvertes. Et elle avait finit par sombrer dans un sommeil agité, avant même d’avoir pu discuter de tout cela. Elle s’approcha d’Eryne, qui rêvassait en contemplant un bateau qui s’éloignait, et s’assit à ses côtés.
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« J’ai faim. » dit-elle simplement. « Je connais un très bon coin à saumon… si ça te tente. »

Eryne tourna ses yeux lumineux vers la draenei. Elle n’aimait pas toujours qu’on s’amusa à ses dépends, mais elle n’arrivait de toute manière pas à lui en vouloir. Il faut dire qu’elle n’y mettait jamais aucune malice, et qu’il était difficile de s’énerver contre une telle personnalité. Elle hocha la tête en silence, et se releva, prête à la suivre.

Cela ne leur prit pas trop de temps pour arriver au lieu de pêche. Au fur et à mesure, le cauchemar avait fini par devenir flou dans la mémoire d’Alounka. Il faut dire que la présence d’Eryne avait une influence apaisante sur son humeur. Il était difficile de ne pas s’esclaffer quand l’elfe se prenait les pieds sur un sol totalement plat… ce qui lui arrivait plus souvent qu’à son tour.
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Elles pêchèrent un instant en silence. L’une essayant de se concentrer sur le bouchon qui flottait… Et l’autre sur la conservation de son équilibre. Bon, il s’agissait d’une barque, et il y avait peu de remous, ce qui compliquait la tâche. Eryne soupira intérieurement, tout en se stabilisant. Elle ne comprenait pas pourquoi les choses les plus faciles lui étaient si difficiles, alors que les choses plus complexes lui semblaient d’une simplicité enfantine.

Une fois qu’elle eut retrouvé son équilibre, elle se plongea dans ses pensées, se laissant bercer par les doux mouvements de la barque. Bien trop vite à son goût, alors qu’elle commençait à s’assoupir, Alounka finit par pêcher un beau saumon. La suite lui revenait…

L’animal fut préparé, et cuit en un temps record. Le repas, par contre, dura plus longtemps. Les deux jeunes femmes partageaient leurs dernières découvertes, Eryne buvant parfois littéralement les paroles de la draenei. Cela amusait cette dernière, même si elle était aussi surprise par les méthodes ou les découvertes de l’elfe, qui utilisait – presque invariablement – des méthodes bien différentes des siennes.

Le repas se termina tard. Le ciel rougeoyant s’était transformé en un firmament étoilé, et elles commençaient à sentir les effets de la fatigue. Eryne, parce qu’elle avait fait un long chemin avait de retrouver sa compère aux Paluns, et Alounka parce que son rêve l’avait plus fatiguée qu’elle ne voulait l’admettre.

Assise devant un bon feu, la tête dodelinante, l’elfe sentait le sommeil qui commençait à s’emparer d’elle. Elle bailla, ce qui eut un effet immédiat sur Alounka, qui se mit à bailler elle aussi. Ramenant ses genoux sous son menton, Eryne murmura, d’un ton peu convaincu :

« Va falloir que j’y aille. Je commence à m’endormir presque sur place… J’ai envie d’un lit, et besoin d’une bonne nuit de repos. »

La draenei sourit.
« Tu te sens capable de faire un petit effort supplémentaire ? »

L’elfe releva la tête. La draenei lui montrait une petite lumière, plus haut, au dessus de la cascade.

« Suis-moi », dit-elle en se relevant souplement. « Il y aura suffisamment de place pour tout le monde là-haut. »
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Acquiesçant, Eryne se releva à son tour, et se secoua un peu pour tenir le sommeil encore éloigné, avant de commencer à suivre la draenei le long des pierres glissantes qui tapissaient la cascade. Par un heureux hasard, elle ne fit pas un seul faux pas, et échappa donc au bain glacé et involontaire. Peut-être parce qu’elle était plus ou moins attentive à ce qu’elle faisait, songeait la draenei. D’ailleurs, Eryne semblait tellement concentrée qu’elle en marmonnait… Ce n’est que lorsque l’elfe passa à côté d’elle qu’elle se rendit compte que l’elfe chantait à mi-voix.

« C’est une maison bleue… accrochée à la colline, on y vient à pied, on ne frappe pas, ce qui vivent là ont jeté la clef… »

Alounka éclata de rire, coupant net l’élan artistique d’Eryne, qui se drapa dans sa dignité, et se tut brusquement. Elle rêvait à moitié, et ne s’était pas rendu compte qu’elle avait commencé à fredonner.

Une fois arrivées en haut, l’elfe n’avait qu’une envie : s’étendre, et dormir. C’est d’ailleurs ce qu’elle fit, dès qu’Alounka lui eut désigné son lit, et s’endormit très rapidement.

La draenei, par contre, mis plus de temps à s’endormir. Les ombres grandissantes lui rappelaient son rêve. Cependant, l’environnement était vraiment différent… Son esprit se perdait dans les explications possibles pour son rêve quand le sommeil s’empara d’elle, la plongeant de nouveau dans un trouble agité.
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Cette fois-ci, cependant, il s’agissait d’une scène en plein air. Elle se trouvait devant un autel, dédié à une statue aux traits dissimulés par une capuche. Seuls les yeux étaient visibles, et brillaient d’un éclat orange, maléfique. Elle tenait une épée enfoncée dans le sol, dont la poignée était relié à deux ruines d’obélisque. Sur l’autel gisait un squelette, et des ossements. Vraisemblablement des restes humanoïdes. Elle jeta un œil dégoûté sur les os. Il n’y avait plus la moindre trace de chair dessus. Sans doute des oiseaux charognards avaient-ils fait le travail. Même s’il ne régnait à ce moment là qu’un silence lourd de menace, il devait bien y avoir quelques animaux quelque part ! Même des oiseaux de mauvaise augure comme des vautours ou des corbeaux auraient été les bienvenus, à cet instant précis.

Un son incongru lui glaca le sang. Un cri, guttural, lui rappelant son rêve précédent…

Elle se réveilla en sursaut, suant à grosses gouttes. A quelques pas, Eryne la regardait, stupéfaite. Elle avait été réveillée brutalement par son cri. Fronçant les sourcils, elle se rapprocha d’Alounka et s’assit à son chevet.

« Bon. Et si tu m’expliquais ? »

Alounka s’apprêtait à répliquer de tout allait bien quand elle se rendit compte qu’elle tremblait encore de tous ses membres. Pourtant, en des circonstances normales, même dans un rêve de ce type, elle n’aurait jamais réagit ainsi. Et, en repensant à ses rêves de la journée, une soudaine nausée l’envahit.

« Tu es bizarre depuis ton retour. Il s’est passé quoi, pendant ton voyage, cette semaine ? »

La draenei la regarda sans comprendre. Elles s’étaient vues la veille… Eryne secoua la tête lorsqu’elle le lui dit.

« Non. C’était la semaine dernière, ça. »

Une angoisse soudaine étreignit le cœur de la draenei. Elle voyait bien que l’elfe ne mentait pas… Mais alors, que s’était-il passé pendant cette semaine ? Et pourquoi ne s’en souvenait-elle pas ? Un rire sardonique retentit dans sa tête, faible écho du rire du squelette de son rêve. Eryne la regardait toujours d’un air soucieux et interrogatif. Malgré l’inquiétude qui flottait dans son regard, un très léger pli amusé tordait ses lèvres. Elle commençait à connaître la draenei. Et, si elle ne se trompait pas, ce qu’elle voyait naître dans le reflet bleuté des yeux d’Alounka, c’est qu’il allait être temps de mettre les choses au clair.

« Viens. On va rendre visite à quelqu’un. »

Eryne
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Re: L'ombre du passé

Chapitre 1
Ce quelqu’un était un petit gnome, surexcité en entendant les paroles d’Alounka. Il se souvenait très bien l’avoir vue, la semaine passée. Elle était à la recherche d’il ne savait quel artefact, peut-être une tablette ? Il ne se souvenait plus très bien…

Se caressant la barbichette, il l’enroula autour d’un index taché par l’encre, le visage pensif. Mais il fit rapidement volte-face, attrapa prestement un livre dans la bibliothèque et se mit à le feuilleter, affairé. Prenant un air important, il commença à lire un premier passage :

« Il est écrit dans les tablettes de Skeloss que seul un gnome des forêts du nord unijambiste dansant à la pleine lune autour des douze statuettes enroulées dans du jambon… »

Il s’arrêta net, et se gratta la gorge, l’air ennuyé.

« Excusez-moi. Je me suis trompé… »

Il redéposa le livre dans la bibliothèque, et en attrapa un autre, qu’il feuilleta aussi rapidement. Il s’arrêta sur une page à moitié déchiré, triomphant. Il relut plusieurs fois le passage, son visage s’assombrissant à chaque relecture. Il secoua la tête, puis se tourna vers les deux femmes.
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« Ce livre était probablement aussi incomplet lors de ta première visite, Alounka », dit-il. « Mais je ne vois pas comment tu as pu tirer le moindre indice de cet… objet. »

Alounka haussa les épaules, et lui fit signe de continuer. Jusque là, tout ce que lui disait le gnome n’éveillait rien dans ses souvenirs, tout en étant à la fois étrangement familier. Cependant, du plus loin qu’elle s’en souvenait, cela avait souvent été le cas, avec lui. Et pourtant, c’est à partir de discussions plus ou moins décousues, partagées avec le gnome, qu’elle avait vécu certaines de ses plus grandes aventures.

Eryne regardait le gnome avec un intérêt teinté d’une légère perplexité. Quand elles étaient arrivées, il était calmement assis à contempler les étoiles, mais, dès leur entrée, le sage professeur s’était transformé en un écolier surexcité. Elle devait apprendre par la suite que les visites d’Alounka avaient toujours un tel effet sur lui. Elle lui ramenait parfois de drôles d’artefacts qu’il se faisait une joie d’étudier.

Cependant, au fil de sa lecture, il s’était assombri. Elle le regardait sans comprendre, alors que le gnome jetait sur elle un regard significatif. Jusqu’à quel point pouvait-on lui faire confiance ? Alounka sourit. Elles ne se connaissaient pas depuis longtemps, mais ce qu’elle avait vu de l’elfe l’incitait à lui faire confiance. D’un hochement de tête, elle indiqua au gnome d’exprimer le fond de sa pensée.

Il tortilla de nouveau son doigt taché dans sa barbichette, avant de se décider à monter sur la table pour s’y asseoir. L’air maintenant plus grave, il s’adressa aux deux femmes en pesant visiblement ses mots :

« Quand tu es venue, la dernière fois, tu ne m’as pas dit ce que tu étais venue chercher. Seulement, tu m’avais demandé de te traduire cette page du livre, et les réponses que tu as obtenues ont semblé te combler. » Il hésita brièvement. « Cependant, tu as refusé de m’en dire plus… prétextant que, lorsque tu l’aurais trouvé, tu me ramènerais un artefact. Mais que tu voulais conserver l’effet de surprise intacte. » Il haussa les épaules. « D’après le livre, il y aurait différentes clés qui te permettraient de mieux appréhender le… passage. »

Il tendit le livre à Alounka, lui montrant quelques lignes qui lui semblèrent écrites en hébreux.

« Ca, c’est du troll. Peut-être que ton amie saurait le lire ? »

Eryne se redressa de toute sa hauteur, indignée. Elle répondit, légèrement vexée, que les trolls et les elfes avaient effectivement un lien de parenté, mais qu’il était désormais fort éloigné. Et, marmonnant dans sa barbe, elle ajouta pour elle-même qu’on l’avait plus forcée à apprendre le haut-elfe que les langues barbares étrangères, même si elle aurait préféré étudier autre chose que les scribouillages illisibles de ses confrères. Le gnome sourit. Décidément, la vieille rancœur entre les trolls et les elfes était toujours d’actualité… Attrapant un bout de parchemin qui traînait par là, il recopia rapidement plusieurs lignes de troll. Il se tourna à nouveau vers Alounka :

« Allez donc voir Una Ji’ro. C’est une vieille amie à moi… Elle devrait t’indiquer des lieux qui te permettront de traduire ces inscriptions. C’est tout ce que je peux faire pour toi pour le moment… Mais elle se souviendra sans doute de t’avoir vu. »

Il fronça les sourcils, et fit une courte pause avant de reprendre :

« Cependant, je ne peux pas t’aider pour ton trou de mémoire. Ces cauchemars dont tu m’as fait part sont également inquiétants. Tous ces événements n’ont peut-être aucun lien entre eux, mais… je ne parierai pas là-dessus. », termina-t-il, l’air sombre.

Alounka acquiesça en silence, et se dirigea vers la sortie, Eryne sur ses talons. Elle irait – peut-être – voir un spécialiste, si cela persistait. Mais pour le moment, il y avait bien plus urgent à faire… A commencer par retrouver Una.

Cela leur prit une bonne partie de la journée. Comme tout sage qui se respecte – fût-il troll – Una Ji’ro résidait dans une maison accessible seulement après avoir traversé une chaîne de montagne, trois torrents furieux et affronté quelques grizzly agressifs. Tous les sages avaient peut-être eu droit à la même leçon, que la connaissance devait se mériter au prix d’incroyables efforts physiques : un esprit sain dans un corps sain. Ce qui éliminait forcément du lot les intelligences coincées dans des corps malingres… Cela pouvait certainement avoir un intérêt quelconque pour la protection du savoir, mais cela réduisait drastiquement la proportion de personnes capables d’accéder à la connaissance. Tout en manquant de glisser une énième fois au bas de la montagne, Eryne se surprit à songer avec nostalgie à l’évocation des bibliothèques de Lune d’Argent la corrompue. Malgré tout ce que lui avaient dit ses professeurs, elle rêvait encore parfois d’accéder à la connaissance des elfes de sang. Elle savait pourtant le prix qu’avaient du payer ses lointains cousins pour un tel amas d’information. Mais là bas, peut-être auraient-elles trouvé des indications sur ce qui arrivait en ce moment même à Alounka. Elle leva un regard un peu inquiet sur son guide, qui attendait patiemment qu’elle franchisse un dernier obstacle.

Alounka, elle, était perdue dans ses pensées, tout en guettant la progression de celle qu’elle commençait à percevoir comme une disciple. L’elfe était encore débutante, mais sa façon d’agir était intéressante, et son aide pouvait se révéler étonnamment précieuse. Parfois. L’elfe se révélait surprenante. Capable de se trébucher sur une brindille, tout comme franchir sans l’ombre d’une difficulté des montagnes parmi les plus élevées. La chance du débutant, certainement…

Elle-même était une essploratrice accomplie, arpentant de long en large tout les continents d’Azeroth et d’ailleurs. Elle se souvenait vaguement de quelques projets qu’elle avait conçus, quelques mois auparavant, mais n’arrivait pas à mettre le doigt sur ce qu’elle cherchait la semaine précédente. Et pourtant, à chaque fois qu’elle y songeait, elle avait l’impression d’être tout près du but. Cela avait le don de l’agacer… A cela se rajoutaient ses récents cauchemars. Les différents événements qui s’y produisaient l’incitaient à penser qu’ils n’étaient pas ordinaires. Mais, jusqu’à quel point étaient-ils liés à son amnésie ?

Elle soupira, alors qu’Eryne parvenait – enfin – à son niveau. Désormais, le chemin vers la résidence d’Una Ji’ro était très simple. Une surprise les attendait au sommet. En lieu et place d’un ermitage, elles trouvèrent un village troll où les habitants semblaient fêter quelque chose. En réponse à leurs interrogations, elles apprirent qu’elles arrivaient en pleine célébration d’un mariage. Cependant, Una Ji’ro pouvait les recevoir, puisqu’elles avaient fait un long voyage pour venir la voir, et accéder à sa sagesse.

La trollesse les reçues dans une maison spartiate, non encore meublé. Malgré un regard étonné en direction de sa lointaine cousine l’elfe, elle leur expliqua avec affabilité qu’il s’agissait de la maison des jeunes mariés. Le village tout entier participait à la construction de la nouvelle demeure des jeunes époux, mais les meubles devaient être transportés plus tard dans la maison, en grande pompe.

« Vous aurez peut-être la chance d’y assister… Les réjouissances durent une semaine. »

Une semaine pendant laquelle les époux devaient se côtoyer en journée et retourner sous bonne garde chez leurs parents respectifs. Une manière de leur apprendre la patience, avait ajouté malicieusement la trollesse.
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Cependant, elle reprit rapidement son sérieux en entendant le récit d’Alounka. Son visage prit un air aussi grave que celui du gnome, quelques heures plus tôt. Elle demanda le parchemin où le gnome avait retranscrit un passage du livre, et se plongea dans sa lecture. Elle fronça les sourcils en rendant celui-ci à Alounka.

« C’est du troll, mais assez ancien… D’une manière générale, il y est dit que les trolls détiennent l’une des clefs dans la cité perdue de Sindo’we. » Elle avait utilisé un accent étrange pour la première partie du nom. Un accent qui tranchait avec ses inflexions purement trolles. Cela avait été un peu plus… sophistiqué. Devant leurs yeux étonnés, elle sourit, et ajouta en haussant les épaules : « Oui, c’est une de nos anciennes légendes, que l’on ne divulgue pas à n’importe qui. Mais, » ajouta-t-elle avec fatalisme, « je vous l’ai déjà dit la semaine dernière… cette amnésie est surprenante. »

Et très frustrante, pensa la draenei. Elle avait beau fouiller sa mémoire, elle n’avait aucun souvenir de cette trollesse, ni de ce qu’elle avait dit.

« Les tablettes qui vous intéressent sont dans la grotte en contrebas. Je vous invite à aller les lire… Les indications qu’elles comportent devraient vous aider à vous mener vers Sindo’we. »

Sur ce, elle abandonna les deux essploratrices pour se joindre à la fête. Elle s’excusa platement, mais en tant que sage du village, elle se devait d’être présente pour la suite des réjouissances. De plus, les deux étrangères étaient capables de se débrouiller seules, désormais.

Au fur et à mesure qu’elles s’enfonçaient dans la grotte, le son des festivités s’atténuait, pour être remplacées par un silence serein, troublé uniquement pas le bruit de leur pas, et celui de l’eau suintant du plafond. Une atmosphère apaisante régnait dans cet endroit. La lumière des torches, cette fois plus chaleureuse qu’angoissante, permettait aux caractères antiques inscrits sur la tablette d’être lus sans difficulté. Eryne s’accroupit devant la plus imposante d’entre elle, tentant de déchiffrer les quelques lignes qui y étaient gravées.
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Etonnamment, ces caractères lui étaient très familiers… Elle sursauta. Il ne s’agissait pas de troll, mais d’une écriture tout aussi ancienne, qui n’avait certainement rien à faire ici. Du haut-elfe… Que venait faire ici de telles tablettes ? En un éclair, elle comprit pourquoi Una les avait laissées venir seules dans cette grotte. La jeune apprentie était probablement la seule ici à même de comprendre ce qui était écrit sur la pierre. Elle jeta un coup d’œil à sa compagne, avant de rectifier intérieurement cette analyse. Alounka aussi, devait certainement comprendre ce qui était écrit. Mais l’air impassible de la draenei la persuada de traduire la tablette comme si de rien n’était.

« Il est peu de monde à même de comprendre la volonté de construire Sindo’we. Cette ville, aberrante pour beaucoup, n’est aujourd’hui qu’un reflet corrompu de ce qu’elle aurait du être. Pourtant, elle était vouée à devenir un fleuron de culture, un berceau de science et de tolérance. Nous étions peu à croire en cette vision d’une ville où trolls et elfes auraient pu cohabiter. Nous nous leurrions, peut-être… Je persiste cependant à penser que cette expérience devait avoir lieu. Et, au-delà de la construction de notre idéal, se cachait en son sein l’une des clefs pour L’atteindre. Lui, inaccessible au commun des mortels, pouvait maintenant être appréhendé par le premier venu. C’est cela, je crois qui, plus que tout le reste, a conduit à la déchéance de notre cité. Le… »

Elle s’interrompit, frustrée. Les derniers caractères avaient été effacés à coup de burin. Alounka s’accroupit à ses côtés, et passa sa main sur la pierre froide. La draenei se releva, brutalement, l’air agacé.

« Cela est très récent. Quelqu’un a du passer depuis ma visite, et effacer ces derniers mots. Mais pourquoi ? Quelles sont les clefs qui se cachent à Sindo’we ? Vers quoi mènent-elles ? Qu’est-ce qui serait si puissant au point de causer la destruction d’un tel projet ? »

Ni elle, ni son interlocutrice n’avaient de réponse à ces questions. Mais, de toute évidence, il s’agissait de quelque chose de très puissant… Après quelques secondes de silence, Alounka reprit, plus calme à présent : « Je pense que nous ne trouverons pas d’autres indices ici… Una Ji’ro nous a dit que personne ici ne pouvait déchiffrer ces caractères. Je ne pense pas que le cher professeur ait eu connaissance du contenu de ces tablettes, sinon, il ne nous aurait pas envoyées ici… Il ne reste plus qu’une chose à faire, à présent. »

Elle ne dit pas ce dont il s’agissait, car cela était maintenant évident. Mais, par où commencer les recherches ? Peut-être qu’Una serait à même de les renseigner un peu plus sur l’emplacement où se trouvait Sindo’we. Car ni la draenei ni l’elfe n’étaient pour le moment à même de savoir où pouvait se cacher une telle cité.

Mais, pour le jour même, il ne leur restait plus rien à faire qu’à se reposer. Friandes de poisson frais, elles se posèrent sur une barque dérivant lentement sur le lac à côté du village troll. Sur le rivage, les festivités battaient leur plein. La musique, les rires et les chants leurs parvenaient clairement, occultant le doux clapotis de l’eau. Fort heureusement, cela n’empêcha pas le poisson de mordre, ni nos deux essploratrices de finir par s’endormir, dans l’une des cases gracieusement prêtées par les trolls. Le voyage ne faisait que commencer…
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Le début de la journée passa très rapidement. Eryne prit son temps pour recopier scrupuleusement chacun des caractères des tablettes. Ne tenant pas en place, Alounka avait préféré accompagner Una au milieu de la fête pour l’assaillir de questions de toutes sortes afin d’avoir au moins un indice qui pourrait les mettre sur la piste de Sindo’we. Malheureusement, Una ne pouvait donner que des indications très vagues, et elle était désolée de ne pouvoir plus les aider. Enfin, au fil de leur discussion, Alounka finit par découvrir que quelques indices pourraient se cacher loin au sud, dans les Royaumes de l’Est, sur l’autre continent.

Elle s’empressa d’aller retrouver Eryne, qui avait fini depuis quelques temps déjà de recopier le texte, et qui s’attaquait désormais aux enluminures des tablettes. A l’impatience d’Alounka, qui voulait se mettre en route sur le champ, elle opposa qu’elle voulait vraiment recopier jusqu’à la moindre décoration des tablettes. Elle sourit devant l’air un peu frustré de sa compagne, et ajouta d’une voix douce :

« Je ne t’apprendrais rien en te disant que les haut-elfes attachaient une très grande importance à la beauté et à l’harmonie. Cependant, dans ce cas particulier », dit-elle en désignant la tablette qu’elle était en train de reproduire, « j’ai l’impression que ces décorations ne sont pas là par hasard. Elles ne signifient rien, en soi. Mais, en y regardant de plus près, on dirait que les dessins sont… incomplets. J’ai l’impression que les parties manquantes se trouvent sur d’autres tablettes. Peut-être que cela signifie quelque chose. Peut-être que non… Mais si je peux éviter de remonter sur cette chaîne de montagnes… je veux bien perdre quelques heures à recopier ces dessins. »

Alounka sourit. Peut-être que cela leur serait utile, finalement. Et de toute manière, elles n’étaient pas à quelques heures près… elle laissa donc Eryne à son travail, et retourna discrètement vers les trolls encore en liesse, pour tromper son ennui.

Enfin, elles purent redescendre de la retraite des trolls. La descente fut beaucoup plus rapide que la montée. Enfin, surtout pour Eryne, qui réussit à se faire un ou deux croche-pieds et par finir de débouler la pente plus vite que prévu.

« Aïe. », dit-elle simplement en se relevant une énième fois et en se massant doucement la partie douloureuse de son anatomie.

Alounka ricanait doucement dans son coin. Au moins la descente s’était-elle déroulée plus vite que prévue… Et elles n’avaient rien perdu en route. Elle vérifia son équipement, tout en songeant qu’elles n’avaient pas encore fait beaucoup de chemin. Enfin, la suite se révèlerait plus facile, une fois qu’elles auraient récupéré leurs montures qu’elles avaient laissées avant de gravir la montagne.

Effectivement, il leur fut ainsi plus facile de revenir au port, et prendre le bateau pour se rendre dans les Royaumes de l’Est. Heureusement pour elles, la monture d’Eryne était bien moins maladroite que sa cavalière. Le voyage en bateau se révéla sans encombre. L’un des marins, passablement ivre, eût cependant la mauvaise idée d’aller faire quelques avances trop poussées à la draenei. Quelques instants plus tard, il finissait de dessouler en essayant de regagner le rivage à la nage. Bon, au début, sa brasse manquait un peu de conviction, mais le goût de l’eau de mer dans ses poumons l’aida vite à reprendre ses esprits.

« Tu y es peut-être allé un peu fort…
- Au moins, comme ça, il ne nous importunera plus. » Elle tentait de garder un air sérieux, mais le sourire qu’elle essayait de contenir montrait son amusement.

Les deux comparses tournèrent la tête vers le rivage, visible depuis le pont du navire. Dans peu de temps, ils accosteraient au port qui se dévoilait à leurs yeux. Sous la lumière déclinante du soleil couchant, les habitants de Booty Bay s’affairaient. Il ne leur restait plus beaucoup de temps avant que les échoppes ne ferment leurs portes, et ils tentaient de conclure les ultimes transactions de la journée. Au passage des étrangers, ils en profitaient pour gonfler leurs prix. Evidemment, les nouveaux venus finiraient par s’en rendre compte, mais il serait alors trop tard pour venir réclamer. Et, au fur et à mesure qu’ils apprendraient à évoluer dans le monde des affaires, ils connaîtraient l’appétit insatiable des gobelins pour l’argent, mais aussi à négocier avec eux. Ainsi, ils monteraient dans leur estime, et commenceraient à avoir des prix plus raisonnables. Devant la banque, un gobelin se frottait les mains. Plus riche que tous les autres, il avait trouvé le bon filon, en prenant des commissions sur les transactions des ventes aux enchères. Lesquelles, contrairement aux échoppes, ne fermaient jamais. Devant l’hôtel des ventes – le bien nommé – les cris ne cessaient jamais. Certains y perdaient leur fortune pour acheter des peccadilles, d’autres s’enrichissaient sur le dos des mal lotis. Mais comme tout jeu d’argent – car il s’agissait techniquement de parier que quelqu’un payerait plus que ce qu’on avait payé soi-même – il pouvait mener à la richesse… comme à la ruine.

Alors que le bateau accostait, un homme à moitié nu se précipita dans la mer, comme fou. Il était poursuivit par plusieurs gobelins, qui s’arrêtèrent net sur le ponton, et l’invectivèrent en le traitant de tous les noms. L’homme, buvant la tasse, commença à s’éloigner de ses créanciers, qui crièrent de plus belle en voyant s’éloigner leur débiteur.

Alounka et Eryne regardaient la scène avec indifférence. Ce n’était pas la première fois qu’elles assistaient à cela, et ce ne serait certainement pas la dernière !

Elles passèrent la nuit à l’auberge. Une bonne nuit de sommeil pour elles, et un repos bien mérité pour leurs montures, qui allaient devoir les porter jusqu’à leur prochaine destination. Elles se levèrent à l’aube, remplirent leur sac de provisions, et s’enfoncèrent dans la forêt. La route était longue, mais plus simple que ce qu’elles avaient du descendre la veille. Elles tournèrent longuement dans la forêt, devant parfois faire demi-tour devant un obstacle incontournable. Mais elles s’approchaient inexorablement de leur destination.
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« Que cherchons-nous, exactement ? » demanda Eryne alors qu’elles faisaient une pause bien méritée au pied d’une cascade.
« Une grotte. D’après ce que j’ai compris, un groupe de troll en provenance de Sindo’we se serait fait attaquer pas très loin… Una ne savait pas exactement par quoi, mais peut-être y trouverons-nous quelques indices. »

Eryne mordit pensivement dans une pomme, tout en contemplant les reflets de l’eau courant sur les pierres. L’endroit était enchanteur. Elles n’avaient pas croisé beaucoup de prédateurs. Ou plutôt, elles n’avaient pas croisé de prédateurs capables de s’en prendre à un groupe de troll bien entraînés et armés. Son regard voleta d’un arbre à l’autre. Le bruit de la cascade n’arrivait pas à couvrir complètement le pépiement des oiseaux ni le bruissement des feuilles, mais formait un bruit de fond harmonieux et relaxant.

Elles laissèrent là leurs montures, avant de gravir la dernière pente qui les menait à la grotte susnommée. Une forte odeur régnait dans cet endroit. Un vague fumet de chair plus ou moins fraîche, intimement mêlé à un relent de fauve. Eryne pénétra dans la grotte, et se retourna vers Alounka.

« Pouah ! Quoi que ce soit qui vive ici, je pense que nous avons intérêt à vite trouver ce que nous cherchons… Et à disparaître à la même vitesse ! »

Alounka ne répondit pas, statufiée. Au fond de la grotte, derrière Eryne, elle apercevait une silhouette dont la vue la cloua sur place. Cela éveillait en elle de vagues souvenirs, sans qu’elle arrive cependant à mettre la main dessus.
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Mais, plus que cela, elle fut surprise par la vague de peur qui la saisit alors qu’elle ne reconnaissait même pas cette… ombre. Car il s’agissait bien d’une ombre, tapie au fond de la grotte. La fumée dissimulait partiellement ses traits, mais elle n’aurait de toute manière pas pue être reconnue, à demi dissimulée dans le noir, et complètement immatérielle. Immobile, impalpable, mais tellement menaçante ! Alounka cligna des yeux…

La forme avait disparu. Au fond, dans la fumée, il n’y avait plus rien. Eryne jeta un coup d’œil derrière son épaule, puis tourna de nouveau la tête vers la draenei, en levant les épaules. Que se passait-il donc ? Il n’y avait rien, derrière, si ce n’est les morceaux de viande pendus au bout des crochets. Et Alounka n’était pas du genre à s’émouvoir pour ça.

« Trouvons vite ce que nous sommes venues chercher ici. » Elle cachait mal son émoi. L’elfe la regarda avec étonnement, puis commença à fouiller dans la grotte. Il n’y eu rapidement plus qu’un seul endroit qu’elles n’avaient pas examiné : le tas d’ossements dans un coin.
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Il n’y avait cependant rien dedans. Avec un soupir de frustration, la draenei se tourna vers une bannière accrochée au mur, et s’arrêta net. Elle formait un repli un peu étrange. Elle s’approcha, et tira sur le tissu. Derrière, dans un trou creusé à la hâte, reposait un parchemin. Il lui suffit de l’ouvrir pour s’apercevoir qu’il s’agissait de ce qu’elles cherchaient. Repliant celui-ci sans laisser le temps à Eryne de l’observer plus avant, elle souffla :

« Il faut que nous partions. Nous ne nous sommes que trop attardées ici… Regarde encore derrière les autres tentures, mais je ne pense pas qu’il y ai autre chose que ça à trouver ici. »

L’elfe acquiesça, et examina brièvement les murs. Comme la draenei l’avait prévu, il n’y avait pas d’autre cache. Elles sortirent rapidement de la grotte, quittant son atmosphère étouffante pour l’air pur de la forêt. Celui-ci s’était d’ailleurs rafraîchi, alors que la nuit tombait. En contrebas, les montures commençaient à s’agiter, alors que la forêt devenait plus silencieuse. Les deux essploratrices se consultèrent du regard, avant de descendre rapidement en direction de la cascade. Là, elles libérèrent leurs chevaux, et commencèrent à regagner la civilisation. Ou du moins un endroit sûr pour bivouaquer.

Alors que la cascade allait disparaître à leur vue, Alounka se retourna une dernière fois. Il lui sembla apercevoir, sur un rocher au milieu de l’eau si claire, une silhouette noire riant aux éclats. Elle frissonna. Cela n’augurait rien de bon…
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Il riait. Cela commençait aux poumons. Ce n’était pas un petit rire de gorge, un son nasillard ou des grognements de cochon. C’était un rire grave, puissant, qui résonnait sur les parois de l’église. Une belle voix de basse riant de tout son cœur. Mais cela glaçait le sang. Il n’était pourtant pas hystérique, ou un ricanement machiavélique. Les inspirations profondes ne venaient pas troubler ses éclats. Mais… il y avait, dans cette voix, une menace latente. Un je-ne-sais-quoi qui vous mettait mal à l’aise, qui vous donnait envie de fuir, loin de cette voix, loin de l’homme qui riait ainsi.

Ses traits étaient dissimulés par une capuche. Il portait des vêtements noirs, avec un liseré cyan. Il y avait peu de fioritures, dans son costume. C’est d’ailleurs pour cela qu’il l’aimait. Son rire stoppa brusquement, et il se dirigea à grands pas vers la sortie. La nef était vide, et, tout comme le reste de l’église, à l’abandon. Les bancs avaient été renversés sur le sol, et les toiles d’araignées, comme la poussière, recouvraient tout cet endroit.

Il sortit de l’église pour aller dans le cimetière. Il s’arrêta devant un tombeau, peu décoré. De fait, celui-ci ne se distinguait des autres que parce qu’il était isolé… et parce qu’il était à l’effigie d’un humain : tous les autres étaient vierges de toute inscription ou de toute autre marque distinctive. Celui-ci était allongé, tenant une épée. L’homme s’agenouilla à côté du tombeau. Il passa sa main avec douceur sur celui-ci. Et, abandonnant le tombeau, sa main vint retomber à ses côtés, alors que son poing se serrait.

« Elles progressent. Plus vite que je ne le pensais… Mais ne t’inquiète pas. J’y serais avant elles… »

Sa main revient caresser la pierre froide, s’arrêtant cette fois sur le visage de l’homme de marbre. La main abandonna une nouvelle fois le tombeau, alors que l’humain poussait maintenant un cri de rage.
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« Cela aurait du être impossible. Elles n’ont pas gagné le droit d’y arriver ! Et pourtant, elle…A elle seule, elle est allée plus loin que nous ne sommes allés, toi et moi… »

Il eut un rire bref, sauvage.

« Et elle n’a même pas eu à payer le prix. » Son ton s’était fait amer. « Enfin, pour l’instant… »

Un sourire sardonique joua sur son visage, alors qu’il se relevait, toujours en contemplant le cercueil. Les faibles rayons du soleil n’arrivaient pas à percer l’épaisse couche nuageuse, et il baignait dans une demi lumière blafarde. Un vent léger, mais glacial, faisait bruisser le feuillage d’une manière sinistre. C’était le seul son qu’il y avait ici. A part la voix de l’homme.

« Ne t’inquiète pas. Je ne les laisserai pas faire. Tu ne seras pas mort en vain. Et nous y arriverons. Avant elles. »

Il se détourna du tombeau et s’éloigna. Ses pieds crissaient sur le gravier, rajoutant encore un peu plus à l’atmosphère pesante de ce lieu. Il marchait d’un pas égal, sans se retourner, mais ses poings serrés montraient la force des émotions qui l’habitaient. Non, il ne les laisserait pas faire. Pas après le prix qu’il avait payé !

Naro. Son ami, son frère, son jumeau.

Il ne se souvenait plus comment cela était arrivé. Le dernier souvenir qu’il avait de son frère vivant était celui où il agonisait. Les yeux troublés par la mort si proche, il délirait, en hurlant qu’il fallait se méfier de… sa mémoire lui faisait défaut. Il n’avait comme souvenir que des flashs, quelques rares secondes où il pleurait à chaudes larmes la perte de celui qui avait toujours été avec lui. D’une certaine manière, il était mort, aussi, en même temps que Naro. On dit parfois que les jumeaux partagent plus que qu’un simple visage.

Ils avaient tout fait ensemble. Ils avaient réussi là où d’autres avaient échoués, et avaient acquis un certain renom. Mais, alors qu’il leur semblait qu’ils touchaient à leur but ultime… Naro était mort. Il ne comprenait pas pourquoi. Ils étaient… Ils étaient si proches. Il ne leur manquait plus que la clef de Sindo’we. Mais…

Naro avait tout emporté dans la tombe. Il avait été celui qui notait tout, qui conservait leur avancée, et il avait compris… Il avait compris quoi ? Son frère ne devait jamais le savoir, car Naro était mort, et ne lui avait rien dit. Pour cela, il lui en voulait. Car, ainsi, lui avait perdu toutes les clefs, avec le journal de bord de son frère… Et devait recommencer à partir de presque rien.

Mais elles l’y mèneraient. Il les suivrait, pas à pas. Peut-être même comprendrait-il avant elles ! Il l’avait déjà fait… Mais, tout comme la mort de son frère, tout cela n’était que souvenirs flous, flashs brefs et incompréhensibles. Sa tête lui faisait atrocement mal quand il essayait de se souvenir de ces moments-là.

Il continuait de s’éloigner petit à petit de l’église et du cimetière, pour rejoindre un promontoire rocheux. « Elle » l’y attendait déjà. Peut-être avait-elle senti son appel, ou peut-être était-elle simplement venu s’y reposer. Il s’approcha, et s’agenouilla auprès d’elle.
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Elle était immense. Même la matriarche glacée ne lui avait pas semblée aussi énorme. Et, au moins, en elle, brûlait le même feu que celui qui l’animait. Enfin… lui, métaphoriquement. Il baissa la tête alors qu’elle rugissait. Son cri était puissant, et autrement plus inquiétant que son rire, quelques instants plus tôt. Son squelette poli, brûlant de flammes qui jamais ne s’éteignaient, n’aurait cependant jamais du lui permettre une telle chose. Ni le squelette de ses ailes, de voler. Et pourtant…

Elle tourna vers lui un regard de braise, comme si elle attendait quelque chose. Un bref rictus déforma sa bouche tandis qu’il se relevait pour effleurer rapidement les os brûlants.

« Non, ma belle, pas aujourd’hui. Mais tu as fait un excellent travail, la dernière fois. »

Elle émit un léger sifflement de contentement.

« Oui… J’aurais très certainement besoin de toi. »

Un nouveau sifflement, plus bas, lui répondit. L’homme eut un sourire narquois teinté d’une étrange affection.

« Reposes-toi. Bientôt, ce sera notre tour. Bientôt. »

L’étrange dragon le regarda de nouveau, puis posa sa tête sur le reste de ses pattes. La flamme aveuglante qui brillait en son sein se réduit, pour ne former plus qu’un noyau ardent. La chaleur qui émanait des os décrut progressivement. On pouvait désormais les toucher sans se brûler. L’homme regarda ses doigts, qui avaient effleuré le monstre quelques minutes plus tôt. Des cloques étaient en train de se former, là où la peau avait été en contact avec les os. Il sentait une douleur cuisante naître au bout de ses doigts. Il ferma le poing, doucement, tout en le contemplant. Puis, de nouveau, il sentit naître au fond de sa gorge un rire puissant, dont l’écho retentit, se réverbérant d’une montagne à l’autre.

Eryne
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Re: L'ombre du passé

Le parchemin s’était révélé très intéressant : il s’agissait d’un fragment de journal de bord. Bien qu’il ait été transporté par un groupe de trolls, celui-ci était rédigé en haut-elfe, et racontait une partie du périple qui les avait mené à Sindo’we. Les lignes encore lisibles avaient été écrites d’une main ferme, qui maniait cette langue avec une habilité certaine. Cela n’était pas de la grande littérature, mais la personne qui avait rédigé le journal avait été une personne cultivée. Elfe, certainement, au vu des tournures de phrases parfois un peu alambiquées. Hélas ! Le parchemin ne révélait pas l’emplacement de Sindo’we… Mais le texte révélait plusieurs indications précieuses pour la suite de leur quête.

« Notre dernière escale avant Sindo’we était enchanteresse. Les grands arbres, le lieu bucolique, les couleurs…Tout cela était un ravissement pour les sens. Et même si mes compagnons sont un peu frustres parfois, je ne peux pas nier qu’ils savent apprécier la beauté quand ils la voient. Quelle qu’en soit sa provenance. Un petit village elfe jouxtait une minuscule cascade, et ils nous ont accueillis avec hospitalité, malgré une certaine réserve envers mes compagnons. Nous y sommes restés plusieurs jours, à partager avec eux quelques unes de nos connaissances. Quand ils furent certains de notre bonne volonté, ils nous ont indiqué comment poursuivre notre voyage. Au-delà des dragons, le Puits-de-Lune contenait une partie des réponses que nous attendions. Sindo’we était à portée de notre main. Enfin. »

Elles avaient décidé de montrer leur dernière trouvaille au gnome. Outre le texte, ce parchemin recélait d’autres informations… que lui saurait certainement déchiffrer. Elles ne se trompèrent pas. A peine avait-il le parchemin entre les mains qu’il avait commencé à babiller sur sa composition, la méthode de fabrication du rouleau, de l’encre, en allant même jusqu’à décrire le type de plume utilisée pour écrire.

« Les circonvolutions ici, ici, et là sont typiques. Il existe peu de plumes capable de résister à une pression comme celle-ci sans se casser, ou plier, et donc faire un pâté. » Joignant le geste à la parole, il saisit une plume à côté de lui, la trempa dans l’encre et tenta de dessiner une arabesque alambiquée. Evidemment, la plume se plia, et une tache d’encre recouvrit le papier. « Voyez ? Et, s’il avait été dessiné lentement, le trait aurait été tremblotant, et non pas affirmé comme il l’est sur ce parchemin. »

Il se dirigea vers son écritoire, pour farfouiller au milieu d’une liasse de papiers et de plumes. Il en sortit une, qu’il brandit triomphalement au dessus de sa tête. A petits pas rapides, il se dandina vers la carte du monde qui était plaquée au mur. Désignant un endroit sur Kalimdor, il ajouta solennellement : « Seules les plumes du bec-en-sabot sont assez résistantes pour cela. Et on n’en trouve que là. »

Leur prochaine destination était donc toute trouvée. Au village en question, peut-être trouveraient-elles comment aller à Sindo’we. Seulement, une surprise les attendait quand elles annoncèrent leur intention de partir.

« Non, non, non. Pas cette fois ! J’en ai marre de rester coincé dans ma tour alors que vous allez faire vos balades. Je viens avec vous. »

Alounka et Eryne s’entre-regardèrent avec stupéfaction. Non seulement elles ne savaient pas ce qui les attendait là-bas, mais elles se doutaient que le chemin pour y parvenir n’était pas forcément des plus praticables. Alors, pour le gnome – qui préférait se prélasser sur un coussin que d’escalader des montagnes – la route risquait d’être longue… Mais le gnome restait inflexible. Pour cette fois, au moins, il allait les accompagner dans leur périple. De guerre lasse, Alounka haussa les épaules d’un air fataliste, et entreprit d’expliquer au gnome la nécessité de voyager léger. L’énorme malle qu’il se proposait d’emmener, par exemple, était sans doute un peu trop, pour un voyage à dos de cheval.

« Mais il me faut bien des vêtements ! » s’exclama le gnome. « Je ne peux pas partir avec mon équipement, sans vêtements de rechange, tout de même ! », termina-t-il en désignant un tas de coffres, tous plus énormes les uns que les autres, qui trônaient derrière la première malle.

Eryne pouffa, et Alounka soupira. Il lui fallut quelques heures pour faire comprendre au gnome que son équipement était trop encombrant. Il finit par se contenter d’un modeste – à son goût – sac de voyage. La draeneï songea en son fort intérieur qu’il était fort heureux qu’il soit un mage, en plus d’être un savant. Cela lui permettrait de diminuer le poids de son sac… qui faisait bien trois ou quatre fois la taille de son paquetage habituel. L’elfe ne lui avait été d’aucun secours face à la détermination du gnome, car elle avait été sujette à des crises de fou rire à chaque objection du mage.

La première partie du voyage se déroula sans incident notoire. Le gnome essaya d’acheter la moitié du bateau au gobelin qui le pilotait – sans succès – alors que l’elfe passait beaucoup de temps enfermée dans sa cabine, à lire et relire le parchemin, tout en comparant ses notes avec les dessins des tablettes qu’elle avait recopiés. Il lui semblait qu’ils avaient oublié quelque chose d’important dans tout cela, mais elle n’arrivait pas à mettre le doigt dessus. Et le mage n’était pour le moment d’aucune utilité, tout à l’excitation de son voyage d’essploration.

Ils parvinrent enfin en Azshara, à la tombée de la nuit. Ne voulant pas commencer leurs recherches dans le noir, ils décidèrent de se reposer et de partir au petit matin à la recherche du village et du fameux Puits-de-Lune.
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C’est après un bon repas, et alors que les étoiles scintillaient doucement au dessus de leurs têtes que la draenei et l’elfe commencèrent à parler de leur essploration. Après tout, elles avaient retracé une partie du chemin effectué par la draeneï pendant son amnésie, mais il manquait encore quelques jours.

« Una Ji’ro nous a dit que j’étais allée la voir vers la fin de la semaine. Mais, entre le moment où nous avons parlé des tablettes et celui où je suis allée là bas, il manque plusieurs journées. Je n’ai certainement pas mis autant de temps pour parvenir au village troll. Donc, je suis passée par un autre endroit. Mais où… » Elle se massait les tempes, essayant de recouvrer la mémoire. Mais rien n’y faisait, elle avait beau tourner et retourner le problème dans tous les sens, elle n’arrivait pas à se souvenir de la moindre seconde passée cette semaine-là.

« Ton amnésie et tes cauchemars sont peut-être liés. Sans doute, même », lui dit le gnome, le visage pensif, comme perdu dans les flammes. Il tourna son regard intelligent vers Alounka. « La silhouette que tu dis avoir aperçue dans la grotte doit aussi jouer un rôle dans tout cela. Mais… nous n’en savons pas assez pour le moment. »

« Nous réussirons à percer ce mystère, un jour ou l’autre.», conclut doucement l’elfe, le menton posé sur ses genoux.

« En attendant, nous devons nous reposer. » Le mage s’affala à moitié sur le sol. « Personne n’a une histoire à raconter ? », demanda-t-il, en plaisantant. L’idée sembla frapper la draeneï, qui se tourna vers Eryne en souriant légèrement.

« Avec ces histoires, je n’ai finalement pas su ce que tu avais essploré la semaine passée. »

L’elfe eut un sourire vague, et sembla s’extraire de ses rêveries. Elle se redressa, et s’assit en tailleur, le dos bien droit.

« C’est vrai. Mais mes aventures te sembleront bien pâles à côté de ce que nous sommes en train de chercher maintenant. »

Sa voix prit un ton mesuré, calme, mais cadencé. Elle eut un air un peu rêveur, tout en se plongeant dans ses souvenirs, essayant de se remémorer son voyage le plus précisément possible.

« Nous nous étions séparées sur des idées différentes. Tu ne m’avais pas dit ce que tu recherchais… de mon côté, je n’osais pas dire vers quoi j’allais tourner mes pas. Je ne savais pas vraiment moi-même ce que j’allais faire là bas. Après ma dernière visite à Darnassus, un druide de mes amis m’avait parlé d’un lieu étrange, gris et sinistre. Les roches y sortaient de terre et se tendaient vers le ciel comme si le sol lui-même essayait de s’extraire de cet endroit. Je ne voulais pas vraiment le croire, mais cela avait piqué ma curiosité.

Sans trop savoir comment y aller, ni même sans vraiment savoir ce qui pouvait m’y attendre, je suis allée dans les Royaumes de l’Est. Je ne te raconterai pas le nombre de fois où je suis tombée des montagnes… vous vous doutez que cela n’a pas été de tout repos. Mais au final, j’ai réussi à parvenir à l’endroit dont il m’avait parlé.

C’était… impressionnant. Et lugubre. D’autant plus qu’il pleuvait... L’air était glacial, et la pluie, qui tombait à grosses gouttes, me trempait jusqu’aux os. Mon cheval renâclait, et je dus plusieurs fois descendre afin de le tirer par la bride. Il n’y avait pas un seul signe de vie dans cet endroit : même les arbres étaient morts. Les seuls bruits que j’entendais étaient celui de la pluie frappant les pierres, et celui que nous faisions. Le son des sabots frappant le sol se réverbérait faiblement sur les parois autour de nous. Finalement, j’étais contente qu’il pleuve, car cela assourdissait le bruit de nos pas.

Ainsi que me l’avait indiqué mon ami, on aurait dit que les pierres essayaient de s’extirper de la terre pour s’enfuir. A perte de vue, on ne voyait que des rochers sortant du sol, et des arbres morts. Mais… il y avait un petit chemin, qui serpentait au milieu de tout cela. Curieuse, je l’ai suivi.
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La route était longue, et mon cheval rechignait de plus en plus à avancer. J’ai donc décidé de le laisser un peu à l’abri, sous une pierre qui ne risquait pas de tomber, et j’ai continué à pied. J’ai du faire un peu d’escalade, par ci par là, mais heureusement, cela n’était pas trop difficile. »

Devant le regard amusé d’Alounka, elle admit de bonne grâce : « Oui, je suis tombée. Mais comme j’étais déjà trempée et transie de froid, je n’ai pas senti la différence. Tout au plus ai-je récolté quelques bleus supplémentaires, mais je commence à avoir l’habitude…

Sans trop savoir pourquoi, donc, j’ai continué sur le chemin. Il avait été assez fréquenté, il fut un temps. Je ne sais pas trop ce que je m’attendais à trouver au bout… mais certainement pas ce sur quoi je suis tombée.
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Elles étaient immenses. Elles faisaient sans doute plus d’une dizaine de mètres de haut. Trois statues, les visages entièrement dissimulés par des capuches, et tenant des épées plantées dans le sol. Elles semblaient regarder au centre… Il y avait une espèce de squelette, taillé grossièrement dans la pierre, dans lequel on avait disposé des bougies, et des restes de sacrifices. Sur le sol, une énorme rune reliait les trois statues… Elle luisait faiblement sous la pluie. »

Sa voix avait prit un ton d’horreur contenue. « Je suis partie quasiment tout de suite. J’ai à peine pris de temps de fouiner un peu, pour trouver des indications sur ce lieu, mais… Je n’ai rien trouvé de significatif. Le sacrifice avait été fait quelques temps avant. Sans doute un ou deux jours … »

Elle replia les genoux sous son menton pour entourer ses jambes de ses bras. Elle tremblait légèrement, tout en se souvenant de ce qu’elle avait ressenti en voyant cela, et regarda fixement dans les flammes, comme pour se donner du courage.

« De ce que j’ai pu en juger, il s’agissait de restes animaux. Un daim, ou un cerf, certainement. Mais… il avait été à moitié dévoré. Il… il restait encore des lambeaux de chair sur les os. Des lambeaux carbonisés, sur des os à demi-broyés. » Elle tourna un regard égaré vers Alounka, qui était restée stupéfaite devant la description d’Eryne. Elle ne lui avait pas parlé du rêve qui les avait amenées au mage. Et pourtant, la description des statues qu’elle faisait était bien trop conforme à son cauchemar pour qu’ils ne soient pas liés. La voix d’Eryne s’éleva de nouveau, un peu tremblotante, cette fois.

« J’ai rejoins mon cheval, et je suis partie au triple galop. Il n’y avait pas de vie, là bas. Qu’est-ce qui serait assez gros pour laisser de telles traces ? »

Alounka resta silencieuse, mais le gnome entreprit de demander des précisions, tout en se rapprochant un peu plus du feu, comme pour essayer de se mettre à l’abri des ombres qui lui semblaient maintenant bien menaçantes. Repliée sur elle-même, l’elfe se plongea plus profondément dans ses souvenirs pour essayer de se rappeler de son aventure le plus précisément possible. Malheureusement, les indices dont ils disposaient étaient bien maigres, et ils ne purent pas déterminer ce qui avait dévoré l’animal. La seule chose certaine était qu’il devait s’agir d’un très gros animal. Voire peut-être un dragon. Mais cette hypothèse ne fut évoqué qu’en souriant, car quel dragon – créature suprêmement intelligente s’il en fût – accepterait de se comporter ainsi ?

Cependant, alors que le gnome et l’elfe évoquaient leurs théories sur l’animal qui avait pu dévorer le sacrifice, Alounka était restée coite. La description d’Eryne avait réveillé un écho dans sa mémoire. Mais elle ne savait pas s’il s’agissait d’une réminiscence de son cauchemar, ou bien un souvenir réel… Même si elle ne devait connaître le fin mot de l’histoire que bien plus tard, elle penchait cependant pour la deuxième hypothèse. Après tout, Eryne s’était elle aussi retrouvée face à ce type d’autel. A l’exception de la nature du sacrifice et de l’état des statues, les deux étaient semblables…

« C’est étrange » intervint-elle finalement. « J’ai rêvé de ces statues. »

Un silence stupéfait lui répondit, alors que deux paires d’yeux interrogatifs se tournaient vers elle. Le gnome, comme l’elfe, gardèrent le silence en attendant qu’elle daigne leur en dire un peu plus.

« Juste avant que je ne décide que nous devions te voir. C’était très bref… Mais j’ai vu les mêmes statues, et le même autel. Enfin, à quelques différences près. Celui dont j’ai rêvé était plus ancien, les pierres plus abîmées, et le sacrifice, humain. » Malgré la température clémente, elle frissonna à son tour. « J’avais une impression étrange d’oppression, et d’urgence, sans arriver à comprendre pourquoi. Les restes humains avaient été entièrement nettoyés, de cela, je m’en souviens. Mais… le reste est vraiment flou. »

Le gnome hocha la tête avec conviction.

« A priori, tes cauchemars seraient plus des souvenirs que des produits de ton imagination. Il doit donc exister d’autres endroits où il y a de telles statues. Il s’agit maintenant de les retrouver… Et peut-être arriverons-nous à comprendre ce qu’il t’est arrivé, Alounka. Quand nous serons de retour chez moi, j’entamerai de nouvelles recherches là-dessus. »

Le sujet était clos. Il ne servait à rien de ressasser encore et encore les bribes de souvenirs d’Alounka, et Eryne avait dit tout ce dont elle se rappelait… De plus, le lendemain serait plus sportif, et ils avaient besoin de repos. Ils parlèrent encore un peu, de tout et de rien, pour chasser l’ombre qui s’était installée dans leurs esprits. Les tours de garde se succédèrent, jusqu’au petit matin. Même si l’environnement était calme, ils ne pouvaient se permettre de se laisser surprendre.

C’est sous un magnifique ciel bleu, légèrement couvert, qu’ils commencèrent leur essploration. Comme prévu, le gnome grommela en remettant son paquetage, et profita d’être seul un instant pour diminuer artificiellement le poids de son sac. Mais, poids artificiellement réduit ou pas, il eut du mal à suivre la cadence imposée par la draeneï. Autant l’elfe avait fini par se faire au rythme d’Alounka, autant le gnome fut-il rapidement relégué en arrière-garde.
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La route serpentait au milieu de ruines, s’enfonçant de plus en plus profondément au cœur des montagnes. Cependant, la pente était douce, et même le mage finit par arriver, en plus ou moins bonne forme, au village elfique. Celui-ci avait été déserté, mais restait cependant en un état remarquable. Ses couleurs se mariaient harmonieusement à celles de la forêt qui, d’une manière surprenante, semblait figée en un été indien éternel. La température était plus que clémente, et des feuilles dorées, rouges et orangées tournoyaient depuis la cime des arbres. A l’occasion de leurs nombreuses pauses, l’elfe s’arrêtait pour contempler le paysage, tandis que le gnome cherchait des informations sur les ruines, et que la draeneï piaffait d’impatience. Alounka était pressée de découvrir ce qu’il y avait plus loin. Même si l’état de la forêt et des ruines provoquait en elle un certain intérêt, elle préférait se concentrer sur leur objectif du moment. Et le mage mettait tellement de temps pour analyser ses ruines…

Pas tant de temps que cela, en fait, se dit-elle lorsqu’ils parvinrent au village. En voyant le gnome s’arrêter une énième fois pour reprendre son souffle, elle se demanda si l’examen des ruines n’était pas un excellent prétexte pour prendre un peu plus de repos.

Le village était vide. Vide de meubles et de vie. Il n’y avait aucun signe de précipitation, comme si les gens avaient purement et simplement disparu avec leurs affaires. Ils inspectèrent toutes les maisons, les unes après les autres, pour finalement s’arrêter en haut d’une tour. Il n’y avait nul besoin de chercher plus d’indices dans ce village, finalement…

« Au delà des dragons, le Puits-de-Lune contenait une partie des réponses que nous attendions. », récita l’elfe. Au moins avaient-ils trouvé les dragons…
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Ils s’arrêtèrent quelques temps sur cette tour, à savourer la vue qui s’offrait à eux, et prendre un peu de repos tout en grignotant. Ainsi que le disait le parchemin, les couleurs étaient enchanteresses. Quelques animaux, par ci, par là, vaquaient à leurs occupations. Peu farouches, certains daims s’approchèrent même des trois essplorateurs, intrigués par ces bêtes à deux pattes.

Mais il était surprenant que le monde soit arrêté dans cet immortel été indien. Après tout, ils n’en étaient réellement qu’au début du printemps… Alors que dans les régions alentours, les arbres commençaient à bourgeonner, ici, ils semblaient perdre éternellement leurs feuilles. En y regardant de plus près, cependant, ils s’aperçurent qu’à leur manière les arbres en étaient à la même phase que les autres. Seulement, les feuilles qui commençaient à poindre étaient toutes d’une teinte jaune/orangée. Pourtant, les arbres étaient les mêmes que ceux qui se trouvaient alentours… La magie devait être à l’oeuvre, pour maintenir les arbres dans ce perpétuel automne.

Tout en progressant, Alounka se demandait ce qui avait motivé la création de Sindo’we. Les trolls et les elfes, autrefois parents, se montraient plus hostiles les uns envers les autres qu’enclins à partager leurs connaissances respectives. Alors, l’idée d’une cité regroupant de tels savoirs était inimaginable. D’une manière plus pratique, elle se demandait ce qu’ils avaient pu partager. Après tout, comment les hauts-elfes, si arrogants, auraient-ils pu daigner à prodiguer des enseignements, admettre leur incompétence dans certains domaines, et même apprendre d’autres types de magie ? Alors qu’elle s’interrogeait, elle jetait des regards pensifs à l’elfe qui l’accompagnait. Elle ne pensait pas qu’il était courant que des elfes de la nuit s’intéressent aux hauts-elfes. Pourtant, Eryne connaissait cette langue, et en parlait sans l’étrange répugnance dont d’autres interlocuteurs auraient fait preuve. A en croire les dires de l’elfe, elle n’était pourtant pas la seule dans ce cas…

Elle s’était récriée en riant, lorsqu’Alounka lui avait parlé d’une possible parenté avec des Bien-Nés. Elle avait affirmé avec amusement, mais avec conviction, qu’elle n’était aucunement liée aux Hauts-elfes. Cependant, elle lui avait raconté que certaines classes étaient ouvertes afin de mieux comprendre ce qu’ils étaient devenus. Elle avait terminé son petit récit avec un sourire distant, sur ces quelques mots :

« Les Bien-Nés reviendront. D’ici là, nous devons être prêts à les comprendre, et à endiguer leurs pouvoirs… au besoin. »

La draeneï s’interrogeait toujours lorsqu’ils parvinrent à des ruines insolites, à l’architecture alambiquée. Une construction atypique, au style étrange, s’incorporait pourtant parfaitement au paysage. En son centre, brillant d’une lumière rouge, une pierre flottait à près d’un mètre de hauteur. Le gnome restant affalé sur un rocher, à reprendre son souffle, l’elfe fut la seule à aller l’examiner. Elle contempla celle-ci en silence, sous toutes les coutures, pendant plusieurs minutes. Quelques runes étaient gravées sur le granite qui la composait, invisibles si l’on ne l’observait pas avec attention.
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Les runes tracées étaient d’une beauté sauvage. A mi-chemin entre la sophistication caractéristique des hauts-elfes et la simplicité efficace des trolls, la puissance dégagée par les runes laissa l’elfe sans voix. Sans y toucher réellement, elle laissa sa main glisser à quelques millimètres de la surface de la pierre, abasourdie par leur finesse et leur élégance naturelle. Elle se perdit quelques instants dans les circonvolutions, se laissant porter par les murmures magiques des runes. Petit à petit, une phrase musicale se dégageait, un refrain lancinant, qui expliquait certainement l’état dans lequel se trouvaient les arbres. Discrètement, en bas des runes chantantes, quelques chiffres et lettres négligemment tracées indiquaient simplement les noms de ceux qui avaient participé à l’enchantement. Une signature numérique, en somme.

Cependant, pour belles qu’elles furent, les runes n’indiquaient pas la direction de Sindo’we. Elles étaient cependant le signe qu’elfes et trolls avaient collaborés ensemble pour créer l’environnement enchanteur dans lequel ils se trouvaient. Eryne laissa les runes à regrets, en se retournant fréquemment pour les regarder, tandis qu’Alounka était ravie de reprendre la route en direction de Sindo’we. Elle se doutait bien qu’ils n’étaient pas au bout de leurs surprises, et avait hâte d’en apprendre plus. Et s’ils étaient restés trop longtemps, le gnome et l’elfe se seraient perdus dans des discussions à n’en plus finir, rébarbatives à souhait pour la femme d’action qu’elle était.

Ils continuèrent leur progression vers le sud, laissant les dragons disparaître peu à peu derrière les collines et les arbres. Le jour avançait à grands pas, et il leur faudrait bientôt trouver un nouvel endroit pour se reposer. Ils continuèrent cependant, jusqu’à trouver de nouvelles ruines typiquement elfes. Contrairement à celles qu’ils avaient déjà croisées, plus éparses, celles-ci semblaient regroupées en un ensemble de bâtiments. Un coup d’œil leur suffit à identifier une espèce de lieu saint, un groupe de temples dédiés à… à quoi ?
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Pour des elfes de la nuit, la seule divinité - si tant est qu'on puisse l'appeler ainsi - méritant un tel culte était Elune. Cependant, la statue d’un Bien-Né, qui occupait une place de choix, était déroutante. Alors qu’ils s’approchaient, Eryne poussa un cri de surprise et bondit d’un pas léger par-dessus le ruisseau qui les séparait de la statue. En quelques enjambées rapides, elle distança les deux autres, s’arrêta un bref instant pour déchiffrer de loin ce qu’elle lisait au pied de la statue, avant de se retourner pour crier :

« Altruis Mènetempête ! Ce nom ne me dit rien. C’est très certainement un Bien-Né, probablement mage, d’après son nom. »

Elle se rapprocha de la statue pour mieux appréhender les écritures décrivant Altruis. Alounka et le gnome épuisé, la rejoignirent rapidement. Elle était plongée dans les pensées, le regard dans le vague, mais les yeux en direction de la plaque commémorative. Le gnome émit un claquement de langue agacé. Encore du haut-elfe ! Décidément, il en avait soupé, de cette langue à fioritures, tellement alambiquée et empruntée qu’elle mettait à rude épreuve sa patience pourtant légendaire.

« La signature, en bas, ressemble à celle que nous avons vu sur les tablettes d’Una. Il s’agit probablement d’un des fondateurs de Sindo’we. En tout cas, du côté elfe. »

Le gnome soupira d’un air renfrogné.

« C’est bien beau tout ça, mais la nuit tombe. N’y aurait-il pas un endroit où l’on pourrait se reposer ? »

« Il y a très certainement un temple dédié à Elune, ici. Même les Bien-Nés n’auraient pas osé créer tous ces bâtiments sans en dédier un à leur déesse. Il suffit de le trouver, et nous pourrons nous y abriter pour la nuit. »

Il ne leur fut pas très difficile de trouver le temple, malgré une relative discrétion de celui-ci. Il était en excellent état, bien mieux conservé que les autres bâtiments. Pour l’elfe, il s’agissait d’un signe divin. Pour les autres, d’une heureuse coïncidence.
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En pénétrant dans le temple, ils s’aperçurent qu’il ne s’agissait ni de l’un, ni de l’autre. Tout simplement, le bâtiment était le seul à être protégé par la magie, afin qu’il ne tombe jamais en ruine. La bâtisse était vide, mais le bassin intérieur générait une lumière douce et apaisante. A n’en point douter, cet endroit était idéal pour y passer la nuit. Bien qu’épuisé, le mage prit le temps d’examiner les différentes pierres qui bordaient le bassin. Le regardant avec intérêt, Alounka l’imita.

« Il n’y aura probablement pas besoin de faire des tours de garde cette nuit », annonca le gnome après un instant de réflexion.

Alounka acquiesca. « Les pierres d’alarme seront suffisantes pour nous avertir pendant la nuit. »

Le gnome jeta un coup d’œil surpris à la draeneï, pendant que l’elfe feignait l’indifférence. Il n’était pas courant que des étrangers, généralement peu au fait de la magie elfique, soient au courant de ce genre de pratique… d’ailleurs peu utilisée. Les pierres d’alarmes étaient astucieusement dissimulées au sein de rocs luminescents. Rien, normalement, ne les différenciait des autres pierres, mis à part une magie diffuse, sur une longueur d’onde inhabituelle. Alounka regardait les alarmes avec un léger intérêt, de l’air blasée de celle qui les a déjà observé sous toutes les coutures. Ce qui était le cas. Au cours de ses essplorations, elle avait eu plusieurs fois l’occasion de se retrouver face à ce genre d’objets. D’après sa propre expérience, elle savait que l’usage en était plus répandu que ne le pensait le gnome. Ces pierres étaient extrêmement pratiques, mais, ainsi que le lui avait expliqué un maître des arcanes lors d’un de ses voyages aux confins du monde, leur création n’était pas des plus faciles. La difficulté principale résidait dans la création d’une alarme sur une longueur d’onde semblable à celle utilisée pour la création de la lumière.

Grâce à la présence des pierres, la nuit fut reposante pour nos trois compères. Alounka et Eryne se réveillèrent rapidement, comme à leur habitude, et emballèrent leur paquetage avant de se préparer à partir. Le réveil fut un petit peu plus difficile pour le gnome, qui protesta plusieurs fois dans un demi-sommeil qu’il voulait encore dormir, et qu’il prendrait bien quelques tartines pour le petit déjeuner… Puis, lorsqu’il commença vraiment à se réveiller il se dressa sur son séant avant de réprimer un grognement de douleur. Des muscles, qu’il ne connaissait pas jusque là, venaient de se révéler à sa conscience. Assis, il essaya précautionneusement de se lever, et de vérifier quelles parties de son corps n’étaient pas douloureuses. Il en arriva à l’amère conclusion que tout son corps le faisait souffrir, jusqu’à sa tête qui commençait à pulser en une désagréable migraine. Il ronchonna.

« A mon âge, ce n’est pas de tout repos, que de faire le singe aux quatre coins d’Azeroth ! J’espère que nous arriverons bientôt, toutes ces acrobaties ne sont pas vraiment faites pour moi ! »

Alounka et Eryne échangèrent un regard complice, tandis que le mage, après avoir remballé ses affaires, commençait à avancer tout en continuant à râler. Evidemment, personne n’avait pensé à lui dire que cela serait trop fatigant ? Et qui donc avait dit qu’il fallait qu’il vienne ? Lui ? Mais non, il n’aurait jamais eu une idée aussi folle ! Tout cela était bien joli, mais pourquoi les chevaux n’avaient-ils pas pu venir ? Voire même une carriole, ou un chariot ! Tout en protestant, il continuait cependant sa progression avec les deux essploratrices, qui veillaient, en ce début de matinée, à garder un pas mesuré afin qu’il se remette de ses courbatures. Petit à petit, il se redressa, et marcha d’un pas plus assuré. Les douleurs se calmaient, au fur et à mesure que ses muscles se réchauffaient. Son mal de tête, cependant, persistait.

Le soleil atteignait quasiment son zénith quand ils parvinrent – enfin – au fameux Puits-de-Lune. En voyant la lumière qui en émanait, nul doute n’était permis, il s’agissait bien de celui décrit par le journal de bord de l’elfe. Alors qu’ils s’approchaient prudemment du puits, ils se sentirent envahis par une impression de bienfaisance. Les muscles encore douloureux du mage se détendirent, et son mal de tête disparu enfin, comme par enchantement. De légères billes de lumière s’envolaient du Puits-De-Lune pour aller se perdre en direction du ciel. L’elfe s’arrêta un instant, prêtant l’oreille à un son qu’elle était la seule à entendre. Ses sourcils se froncèrent cependant, alors qu’elle se hâtait de rejoindre Alounka, au centre du puits. Le gnome les rejoignit peu après, un peu essoufflé, mais en bien meilleure forme qu’auparavant.
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« L’aura qui se dégage de ce Puits-de-Lune est impressionnante, » dit la draeneï, en contemplant les volutes de lumières qui se dégageaient du puits. « Mais cela ne nous indique pas quelle direction… »

Elle s’interrompit brutalement, stupéfaite. A son tour, elle percevait des sons étranges provenant du Puits-De-Lune. Le gnome s’était déjà arrêté, l’air aussi abasourdi qu’elle. Le Puits-De-Lune émettait des sons sur des fréquences variables, avant de se concentrer sur des sons plus audibles pour eux. Petit à petit, les sons devinrent des mots, et les mots formèrent des phrases. Sur un ton bienveillant, une étrange magie dissimulée par l’aura bienfaisante du Puits-De-Lune leur indiquait comment poursuivre leur voyage.

« Bienvenu à vous étrangers, qui avez prit le temps de venir jusqu’ici pour parvenir à notre cité. Sindo’we… Je ne sais pas ce qui vous a motivé à entreprendre ce long voyage vers nous, mais sachez que vous serez accueillis chaleureusement. Il ne vous reste plus beaucoup de route à faire, quelques jours, tout au plus. Le Puits-De-Lune vous aidera à restaurer vos forces, en attendant la suite du voyage. La route que vous devez emprunter serpente le long des montagnes. Il vous faudra traverser la chaîne du Pol, et contourner le pic du Worg Blanc. D’autres indications vous seront données en cours de route, mais le chemin sera sans encombre jusqu’à Sindo’we. Nous vous y retrouverons. »

Le message était signé par Altruis Mènetempête. Il donnait également quelques informations supplémentaires sur le chemin à suivre jusqu’au pic du Worg Blanc. De larges sourires éclairaient les visages des trois essplorateurs, alors que le message se répétait en boucle. Enfin ! La fatigue ayant disparu de leurs membres, ils profitèrent cependant encore un peu de l’aura guérisseuse du Puits-De-Lune. Ils ne doutaient pas que la suite de leur épopée serait longue, bien qu’Altruis leur ait assuré qu’il n’y aurait pas de complications pendant leur voyage. Ils finirent par se restaurer sur place, avant de reprendre leur route. Au fur et à mesure, le message d’Altruis s’était noyé dans les profondeurs de leurs esprits, leur laissant à présent profiter de leur environnement. Cependant, il suffisait de se concentrer un peu pour percevoir de nouveau le message, et réentendre à l’envie les indications nécessaires pour la poursuite de leur quête.

Remettant leurs paquetages sur leurs dos, ils recommencèrent leur périple en suivant les indications données par Altruis. Ils marchaient de nouveau d’un bon pas, toutes fatigues et doutes effacées par le message et le Puits-de-Lune. De nouvelles questions flottaient à la surface de leurs esprits, tandis qu’ils cheminaient vers leur destination. Pourquoi de telles indications, à des endroits aussi étonnants ? Pourquoi Sindo’we avait-elle été abandonnée, alors que les messages y menant n’avaient pas été effacés ? Pourquoi le village elfe avait-il été abandonné ? Y avait-il un pendant Troll au chemin qu’ils suivaient ?

Qui était réellement Altruis ? Et que cachait donc Sindo’we ?

Autant de questions qui devaient pour le moment rester sans réponse. Peut-être auraient-ils quelques éclaircissements dans la cité mythique, mais ils se doutaient que leur curiosité ne serait pas entièrement satisfaite. Mais au moins auraient-ils l’amorce des explications finales…

Ainsi que l’avait indiqué Altruis, le chemin était relativement accessible. Le gnome, se sentant mieux grâce au Puits-de-Lune, avançait sans rechigner, tout en regardant de temps à autre les ruines qu’ils trouvaient sur leur passage. Il les examinait cependant beaucoup plus rapidement que la veille, se dit Alounka en souriant.

Alors qu’ils traversaient un col derrière lequel le Puits-de-Lune allait disparaître, Alounka se retourna une dernière fois, et son regard se posa sur des ruines, près d’elle. Elle cligna des yeux, médusée par une surprise incrédule. L’ombre se dispersa cependant rapidement. Mais, malgré tout, elle ne douta pas de ce qu’elle venait de voir.
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La même ombre que celle qu’elle avait déjà aperçue. Avec la même aura terrifiante. Alors que ses deux comparses l’appelaient pour continuer la route, elle resta un bref instant à contempler l’endroit où le personnage inquiétant avait disparu. S’agissait-il encore une fois d’un souvenir ? Etait-ce une hallucination ? Ou est-ce que cela cachait une menace plus directe ? Etaient-ils…

Elle secoua la tête, alors que ses compagnons l’appelaient avec plus d’insistance. Que faisait-elle donc, plantée là, au milieu du chemin ? Elle se disait que… que quoi ? Elle se détourna et rejoignit ses deux compagnons, fronçant les sourcils. Il lui semblait que quelque chose lui échappait. Mais, devant le sourire que lui montraient ses acolytes, et la vue qui s’offrait à elle, elle relégua rapidement ce moment au fond de son esprit.

Derrière eux, un rire discret et malsain s’éleva, presque inaudible.

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