Naalo Feunuage, brigande et chasseuse de trésors.
mer. 29 juin 2011, 21:54
Le soleil mourrait dans l’est, et l’ombre de la taurène sur son talbuk hantait les dunes vers l’ouest, plusieurs fois sa taille. Un observateur se tenant debout en bas de la dune aurait vu une silhouette noire nimbée de lumière dorée, sur un fond de ciel orange. Le désert lui-même était une émeute de couleurs, d’ombres et de lumière. Un silence lourd pesait sur Naalo : même le son des sabots de son talbuk sur le sable était feutré. Elle savait que les énergies latentes des ruines agissaient encore, bien que mille fois diluées par les millénaires passés; elle n’allait pas pour autant se relâcher. Trop nombreuses sont les histoires de voyageurs retrouvés calcinés par un ancien mécanisme de défense, ou bien percés de trous par des flèches dissimulées dans les murs. Ici, dans le défunt empire Qiraji, Naalo s’attendait au pire encore…
Ils dormaient de jour, sous une tente improvisée qu’un tailleur doué lui avait tissée à partir des étoffes gelées du Norfendre. Quand le soleil entamait sa longue et brûlante course à travers le ciel, Naalo étendait le tissu par dessus les cornes de son destrier, et elle s’allongeait sous ses pattes. La brave bête bronchait à peine avant de s’endormir. L’etoffe tisse-givre les protégeait des rayons les plus puissants, mais au fil des jours, Naalo sentait que les enchantements faiblissaient, le tissu se raidissait. Le soir, alors que la terre cuite et brûlante commençait à perdre de la chaleur, ils se mettaient en route, laissant une interminable trace de sabots derrière eux. Si un pisteur voulait les suivre depuis le refuge cénarien, il n’aurait aucun problème dans ce désert stagnant ou le vent était aussi inconnu que l’eau. De l’eau dont Naalo commençait à manquer gravement, pour elle et sa bête : le dernier puits datait de plus de quatre jours, et ses flasques d’eau avaient rendu leur dernière goutte ce matin.
Cette nuit-là, leur voyage arrivait à bout, enfin. La chamane donna un dernier coup de sabots dans les flancs du talbuk épuisé, et ils débouchèrent près d’un temple. C’était là dedans que Naalo ferait fortune. Elle en était persuadée. Alors qu’elle rêvassait des fabuleuses richesses que devait contenir les murs antiques, son talbuk, lui, céda finalement à l’épuisement et la chaleur. Ses pattes cédèrent, et il s’effondra dans la sable brûlant, faisant valser sa maîtresse. La langue pendante, il respirait à peine, tandis que Naalo ramassait son chapeau et s’agenouillait devant lui.
« Pauvre bête… »
C’était trop con, de faire tout ce chemin pour finalement mourir sur le parvis du temple. Naalo se gratta la crinière, perplexe, puis regarda sa main couverte de sueur. Puis, elle posa sa paume sur le cou du talbuk, et murmura une prière à l’élément de l’eau, pourtant si faible en ce lieu. Le peu d’humidité et d’eau dans son corps se transféra à sa monture en quelques secondes, et Naalo sentit sa gorge et ses yeux s’assécher considérablement. Il ne lui resterait que beaucoup moins de temps pour atteindre son but désormais, ayant donné le plus gros de ses réserves d’eau au talbuk. Elle traina le bestiau à l’ombre d’un pilier, et, puisant dans le reste de sa manne magique, elle le dissimula sous une illusion sablonneuse.
S’asseyant par terre, le dos contre un mur en roche noire, elle sortit une petite carte dessinée par un ermite nain à moitié fou rencontré à la lisère du désert. Il lui avait indiqué un chemin peu recommandable pour accéder à la chambre principale. Selon lui, l’accès principal aurait été détruit il y a des siècles, et Naalo n’avait aucune raison de ne pas le croire : ses recherches avaient démontré la même chose. Seulement… ce chemin secondaire consistait à chercher la vieille pondeuse fossilisée…
… et remonter dans le corps défunt du dieu très ancien par l’estomac, puis trouver un moyen de grimper dans l’œsophage pour sortir par sa bouche. Une partie de plaisir, quoi.
« Dégueulasse. »
Les sucs digestifs se trouvaient encore là, et de surcroit étaient encore dangereux : en laissant une touffe de poils tomber dans la mare verte au sol de l’estomac, des bulles dégagèrent une odeur nocive avant que le liquide n'engloutisse les cheveux. Prenant soins de marcher sur la paroi fossilisée, Naalo inspectait l’orifice de l’œsophage, situé beaucoup plus haut. Finalement, elle trouva une technique rigolote et plutôt intelligente pour l’attendre : les nerfs de l’estomac étant encore semi-actifs, elle titilla la paroi avec un sort de foudre, pour forcer les tissus à vomir, propulsant la taurène vers le haut. Ceci attira notamment des lucioles des recoins sombres du temple, dont une téméraire qui l'accompagna jusqu'en haut. Une heure plus tard, couverte de sucs et de spores, Naalo fit irruption de la bouche de C’thun, mort il y a quelques années après les efforts de héros de l’Alliance et de la Horde. Son énergie maléfique baignait encore la salle, et Naalo ne s’attarda pas. De plus, le dieu avait beau être vaincu, les armées insectoïdes des Silithides étaient inexpugnables de la ruche. Et quels autres terribles secrets pouvaient contenir ce temple? Non, il ne fallait surtout pas s’attarder. Naalo s’avança dans les couloirs sombres et déserts, aux aguets du moindre bruit de pattes chitineuse sur la pierre du sol. Selon sa petite carte artisanale, le chambre du trésor devait se trouver pas trop loin…
Elle s’effondra sur les genoux. Ses rotules protestèrent de douleur, mais ce fut la déception qui envahit son esprit. Les enfoirés. Pas même une petite coupe en or dans la grande salle vide. Le ciel étoilé la narguait derrière la grille, scintillant comme s’il avait volé les pierres précieuses qui jadis ornaient chaque centimètre de ce dôme. La chamane n’avait même plus assez d’eau dans son corps pour pleurer. Son chapeau gisait à terre, lancé d’un geste rageur contre les pierres en jade du « T » au milieu de la salle. Enfin, après un quart d’heure de misère et d’apitoiement sur son sort, Naalo se ressaisit, et chercha une issue. Elle s’agrippa à l’envers de la grille, vers un trou dans le grillage. Probablement celui qu’avaient fait les pilleurs arrivés avant elle. Se hissant par la seule force des bras, elle balança ses jambes en dehors, puis de releva avec hésitation. La lune donnait un aspect violacé aux pierres du dôme. Dépitée, la chamane envoya un cri télépathique au talbuk, pour lui signaler de venir au pied du temple l'attendre. La mort dans l'âme, pas même réconfortée par la petite luciole qui l'accompagnait désormais, Naalo entreprit de descendre et glisser le long des blocs de granite violet, condamnée à rester pauvre encore et toujours.
Le chemin du retour au manoir serait long, vide et sec…