La Pierre des Vents.
jeu. 14 janv. 2010, 22:04
Les Milles-pointes sont un endroit étrange...
Ces pics de granite qui depuis des millénaires subissent les assauts des vents de la planète, les pluies acides et salées de la région, et les tempêtes de sable qui fouettent les Tarides avant de descendre, hurlantes, vers les pointes.
C'est ici que les jeunes chamans de la Horde accomplissent leur initiation pour maîtriser l'élément du vent et devenir enfin de vrais guides spirituels. Je le sais... j'en fait partie. Mais le vent est un être redoutablement coriace à cerner. Il s'amusera à vous jouer des tours, à vous déséquilibrer lorsque vous êtes sur un endroit haut-placé... c'est pour cela que les chamans n'ont besoin de visiter sa pierre de pouvoir qu'une fois. Une seule fois dans leur vie. C'est plus qu'assez.
Mais pas pour moi. J'ai à m'entretenir avec le vent. J'ai besoin de son conseil pour guider mon village à travers ces temps tumultueux de guerre et de famine. Alors, qu'il le veuille ou non, je vais retrouver un chemin pour y arriver.
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Je démarre mon périple dans les marécages foisonnants et mystérieux de l'Âprefange. Ces terres, situées en contre-bas des Tarides, absorbent et retiennent toute l'eau qui en provient lors des crues-éclair. Les sabots de mon Talbuk s'enfoncent dangereusement dans la bourbe par endroits, et je suis obligée de descendre pour le guider à travers les marais. Les sables mouvants ne sont pas les seuls dangers: araignées géantes, sur-dimensionnées à cause de la teneur de l'air en oxygène, tissent leurs toiles pour happer le voyageur imprudent. Dans l'eau trouble, chaque tronc d'arbre moisi est potentiellement un crocolisque affamé qui surgira et vous ôtera une jambe avant que vous puissiez dire "Aïe!".

Alors que le soleil peine à percer à travers le brume épaisse qui émane des arbres, j'aperçois le ciel et un sombre présage. La brume y monte en de longs et tristes nuages teintés en rouge. De quoi mettre en confiance.

J'arrive au sud de la région, là où la fange se fond comme un égout dans la mer, et je démarre mon ascension avec ma monture. Son agilité de Talbuk en fait un extraordinaire grimpeur, mais la montagne ruisselle de brume condensée au petit matin, et nous manquons de nous écraser plusieurs fois. L'humidité ambiante me fait suer à grosses gouttes, ce qui attire à leur tour les nuées de moustiques. Une fois le premier escarpement sous nos pieds, le paysage change. La crête est lugubre, et le sol perd son humidité. L'odeur de pourri permanente de marais s'estompe, et les pousses deviennent plus petites et coriaces.

Je continue le long de la crête, me dégageant de l'atmosphère poisseuse du marais. Alors que le soleil progresse en cette silencieuse matinée, les brumes de sang s'estompent, mais je ne parviens pas à distinguer les arbres, tellement je suis en hauteur. (Ou alors ce sont mes yeux qui faiblissent avec l'age). A ce moment là, j'ai la frayeur de ma vie: un bruit de moteur gras s'élève tout près, derrière le pic que je viens d'escalader... et débouche un troll sur sa motobécane. Il freine a en faire crisser les dents, et pose le pied à terre.
"Hey, la vieille. J'te suis d'puis quelques heures maint'nant. Tu vas où comme ça?"
Je le dévisage.
"Un pierre des vents." C'est tout ce que je lui réponds. De toute façons, il ne pourra pas me suivre à la fin. Enfin, c'est ce que je croyais.

Nous continuons en silence (sauf pour le bruit affreux de son moteur). Enfin les aiguilles des Milles-Pointes se profilent. Nous sommes vraiment très haut: la plupart des aiguilles culminent sous notre niveau. Je m'arrête, scrutant du regard la vallée. Et mon cœur s'accélère quand j'aperçois la pierre des vents, assise comme un gros œuf noir au sommet d'une des pointes. Je me tourne vers le troll.
"Tant pis pour toi, mon gaillard". Invoquant les esprits des vents, les mêmes pouvoir qu'il m'avait enseigné il y a tant d'années, je me fis chuter avec mon talbuk lentement vers la pointe. A mon grand désarroi, le troll avait plus d'un tour dans son sidecar. Alors que je flottais sereinement dans les airs vers ma cible, luis pris un élan et s'élança vers la pierre, activant un parachute de je ne sais quoi pour briser sa chute. Arrivée à destination, je le foudroie du regard. Lui me lorgne avec un sourire de gros nigaud de troll qu'il est. Il a failli tomber en plus, cet abruti.

M'enfin. Au moins il s'est montré respectueux envers l'esprit de l'air. Tant mieux pour lui et pour moi.
Je m'incline devant le pierre pour remercier les esprits du vent qui m'ont accordé le passage, puis je me tourne vers le cercle de pierres d'invocation. Cette fois, plus de préambules. Je ne suis plus une petite chamane apeurée qui maitrise à peine le Kalimag. Cette fois, je l'appelle d'une voix qui résonne, non pas à travers les Pointes, mais à travers le royaume des élémentaires de l'Air, Skywall.


Après un bref entretien avec lui, je me retire du cercle. Je dis au revoir au troll, qui est occupé à replier son parachute. Amusée, j'en appelle encore à la brise pour me descendre en sécurité dans la vallée en bas. Je ne sais pas si ce troll à réussi à redescendre, mais je ne me fais pas d'illusions à son égard. Le vent aura sa peau.
J'enfourche mon talbuk, et nous courons entre les pointes poussiéreuses, vers le soleil couchant. Vers l'ouest. Vers mon village.

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(( OOC ))
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