Paroles de l'après guerre.

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Ironail
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Paroles de l'après guerre.

Pardek,

Cela va bientôt faire cinq mois que je ne t'ai pas écrit. Excuse-moi d'avoir oublié: je ne suis plus le même.

Les combats dans les terres gelées du grand Nord m'ont achevé. Nous revenons victorieux, mais pour les légions d'estropiés comme moi, la vie post-guerre ne sera que l'ombre de son passé. Au campement du Régiment XII, ma division, j'ai déjà vu trois humains se donner la mort. Je les comprends: cela fait plus d'un an et demi qu'il n'ont pas vu leurs familles, leurs femmes. Ils ne savent plus comment se comporter dans une civilisation qui leur sera reconnaissante, mais les oubliera dans quelques mois. Nous avons tous vu des choses dont l'atrocité dépasse les mots. Pendant tout ce temps, le froid et la peur nous a gelé les nerfs, nous rendait aveugle à notre condition. Mais alors que les glaces éternelles de la Couronne se brisent et fondent, nous, nous regagnons la sensation dans notre corps et notre esprit.

C'en est trop. Le plus terrible dans la vie d'un soldat, c'est quand les souvenirs enfouis d'une guerre le rattrapent, le tiennent et l'étouffent. Et en ce moment, une déferlante de choses qui auraient du rester sous la neige me submerge.
A notre retour, nous serons décorés par le roi pour le service à la nation. Le butin de guerre est maigre: les morts n'ont que peu de richesses, et les nains ont mis main basse sur toutes les reliques des titans. Mon avenir est aussi obscur que les cieux des Steppes Ardentes. Peut-être que j'achèterais une petite parcelle de terre à labourer dans les marches de l'ouest. Avec un bras en moins, ce sera drôle, tiens.

Ce que je redoute, c'est retrouver ma femme. J'ai entendu des histoires d'horreur de soldats qui, hantés par des visions cauchemardesques, ont fini par étrangler leurs femmes, convaincus que ce sont des ennemis. Je ne veux pas infliger une vie de paranoïa, de violence à Cardie. Je ne lui ai pas écrit depuis 3 mois, et j'espère qu'elle me pense mort. Je l'aime plus que tout dans le monde, mais je dois renoncer à la revoir. Je sais que cela est monstrueux, mais son chagrin ne sera rien par rapport au mien. Elle est jeune, et pourra trouver un autre mari digne de ce nom. Je t'en supplie, ne lui parle jamais de cette lettre, et dis aussi que tu me crois mort. L'armée, dans une geste de grâce, nous offre la chance de rayer notre nom des survivants du régiment, pour commencer une autre vie. Je vais saisir cette chance, mon ami, dans le faible espoir de m'en sortir.

Le bateau part dans six jours du Fort de la Bravoure. Je serais de retour à Stormwind dans un peu plus de deux semaines, si les mers sont clémentes. Ne m'attends pas au port, car il y aura Cardie aussi. Je descendrais à Ménéthil, avec les nains. J'espère que tu pourras y être pour m'accueillir.


Ton ami,
Larho.

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Ironail
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Re: Paroles de l'après guerre.

Pardek,


J'ai reçu ta lettre d'excuse. Mes félicitations à ta fille pour son mariage. Je lui souhaite une vie pleine et complète. Je dois te dire que j'étais horriblement déçu, sur le coup. J'ai osé espérer que tu y parviendrais quand même par miracle... je suis resté sur les pontons de Ménéthil bien après que la foule se soit dispersée. J'ai écumé les échoppe du port, dans l'espoir- bah. Je te remerci pour l'argent que tu m'as envoyé. Puis'-e te faire confiance pour quelque chose?

C'est au sujet de la boutique de tapis. Je voudrais que tu donnes la valeur de ma moitié à Cardie, de ma part. Tu lui diras que c'est ce que je t'avais dit avant de partir pour le Nord. Je sais qu'elle ne voudras jamais quitter son stand à légumes dans la Vieille Ville, donc tu peux garder la boutique en entière et la mettre à ton nom. Ca ne devrait pas être trop dur, vu qu'officiellement, je suis mort. Merci de faire ça pour moi, vieux frère.

Je pense à elle. Puis, je me ressaisit, seulement pour finir la soirée dans le caniveau avec une bouteille de rhum. Je ne sais pas quoi faire. Ménéthil est un port sympathique. J'ai revendu quelques babioles Vrykul, dont une qui s'est avérée être en saronite pure, et qui m'a engrangé une jolie somme. Ce metal damné, corrompu jusqu'à la couleur... bon débarras. Avec cet argent, je bois, je passe chez les putes... mais quand je suis avec une fille, le seul visage que je vois est celui de ma tendre.

J'en peux plus. Je crois que je vais voyager, pour me changer les idées. Mais il n'y a rien au nord, après les marécages... seulement des plaines, puis les terres des Réprouvés. J'ai parlé à un ou deux de ces monstres lors de la campagne. Deux types sans âme ni foi, chacun plus froid que la terre. Ces choses ont encore moins de vie qu'un mort. Au moins le mort retourne à la terre.
Au sud, il y'a les pays des nains, que j'ai déjà visités.

J'ai peur de me lancer vers le Kalimdor, peur de couper les derniers liens avec ma vie passée.

Larho



P.S: Je suis connu sous le nom de Alcro, désormais.

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Ironail
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Re: Paroles de l'après guerre.

Pardek, mon frère.


Mon cœur s'est arrêté quand je l'ai vue. Je suis désormais à Stormwind, et, cruel coup du sort, tu es chez les parents de ton beau fils. Ne me demande pas pourquoi je suis revenu, tu le sais très bien. Son visage érode ma santé mentale, revient chaque nuit flotter devant mon œil écarquillé avant que le sommeil remplis de rêves me happe. J'ai trouvé un miroir dans les canaux de la vieille ville. Je suis méconnaissable. Je n'ai plus de joues, et mon mon orbite vide me donne un air de goule. Je suis maigre, mon amis, car je ne mange que peu souvent (et pourtant, j'ai les moyens. Je dors parfois dans les rues, parfois à la Taverne du Cochon Siffleur. Je dois chaque nuit avec une dague dans la main.

Chaque matin, je l'attends. Je la vois, préparer son étal de fruits et légumes. Elle n'a pas changé. Elle est toujours pétillante de bonne humeur, même si je dois avouer qu'elle a des cernes maintenant, et une ride sur son front. Ce qui m'arrache le cœur, c'est qu'elle ne me reconnaît plus. Après cinq jours où j'étais immobile, au coin du marché pendant des heures, je suis allé acheter des patates à son étal. Oui. Et elle me les à vendues. Pas même un regard troublé, ni une hésitation. J'étais juste un client. Un client à qui il manquait un œil, un bras, et maintenant, une raison de rester ici.




Demain, je pars pour Ménéthil, et de là, Théramore.
Adieu, vieux frère. Je t'ai laissé quelque chose dans la boîte aux lettres de la boutique.


Larho

Groupie n°1 d'Eléïs.
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